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Tuesday, September 25, 2012

L‘HORIZON NE S'ARRETE PAS A LA COULEUR DE LA PEAU.


Livres et Société 



NDRL.

Selon, l'auteur des  jacobins Noirs, la question de couleur est la malediction haitienne


Le diplomate Pierre Chavenet m’a dit un jour qu’il faudrait lire AMOUR, COLERE,  FOLIE de Marie Vieux Chauvet, si l’on voulait  saisir l’intensité des luttes de couleur en Haïti. Je pense avoir lu un peu trop vite ce roman venu après ce que l’on appelé les Vêpres Jeremiennes, épisode postérieur au débarquement des treize de Jeune Haïti et également postérieur   au choc des castristes avec  la Brigade 2056, achevé piteusement a  la Baie des Cochons en 1961.  La question de couleur hante comme un spectre ce roman qui donne la parole aux victimes, en diabolisant les bourreaux dans la plus pure tradition de l’opposition haïtienne née dans les alcôves et les  boudoirs, en attendant de parler le langage  des armes. Quelques années auparavant, Marie Chauvet avait enrichi la littérature haïtienne d’un roman historique : LA DANSE SUR LE VOLCAN. Roman un peu ambigu et très réaliste cependant qui raconte l’histoire de deux jeunes mulâtresses qui découvrent non sans rage les cicatrices laissées par le fouet du commandeur sur l’épaule de leur mère. Ce fut cette cicatrice qui scella pour le meilleur et le pire leur destin à St Domingue.


La couleur de la peau: le drame haitien...

Entre ces deux romans, l’un inspire des luttes  de la période coloniale et l’autre de la vie contemporaine dans une Haïti indépendante depuis plus de 150 ans, on retrouve comme une malédiction la question de couleur qui n’a pas été exorcisée malgré toutes les messes de requiem de nos élites.  Mie Chauvet, sans s’en rendre compte, est elle aussi une victime qui témoigne sur deux claviers différents, le clavier paternaliste d’une St Domingue ayant fait son propre 1789 et le clavier républicain du moins par les valeurs que prône cette Haïti criant sous tous les toits : Egalite, Liberté, Fraternité.  Price Mars était plus honnête quand il résumait  cette trilogie en duperies, hypocrisie et mensonge. Alors, que le sang fut verse a des périodes aussi éloignées les unes des autres confirme bien que la République a besoin de se réinventer non seulement sur le plan du discours, mais aussi sur celui du vécu et du concret. Ce n’est pas l’œuvre d’un jour, nous le savons, mais, c’est le rêve de toute élite qui ne veut plus se mentir à elle-même et qui a besoin de s’exposer au vent du large.

Ce qu’il convient de retenir toutefois, ce sont les affrontements que inspireront deux visions différentes d’un monde coince sur ses terres mais nostalgique des lointains horizons d’une Afrique mythique et d’une Europe qui encore aujourd’hui veut donner le ton. Des sables de l’Anse d’Hainaut aux mangliers du Maribaroux, la bataille est moins dans les faits que dans les âmes. Personne ne veut s’accepter et chacun s’invente un visage. Celui du maitre bien sûr, mais celui d’un esclave qui veut jouer au maitre sans cesser d’être esclave.  Le Professeur Leslie M. Manigat disait que l’esclave domestique, proche du maitre, avait aussi ses esclaves dans les champs. Il a oublié d’ajouter que la plus grande menace que  l’on pût  faire à un esclave mulâtre, c’était de le menacer de le vendre à un affranchi noir.  Le rêve de Sonthonax reste donc une grande illusion. Chaque fois que l’on touche à la matrice de ce pays, on entend le ricanement moqueur du commissaire français, comme si, à la manière de l’œuf de Léda, tout était joué au départ.

Les colères de Mie Chauvet puisent leur légitimité dans les excès  d’un certain pouvoir noir, si l’on veut appeler les choses par leur nom. On se souvient que dans les années 63 et 64, les journaux disaient que l’on veut à présent créer une nouvelle bourgeoisie à base de vols, de rapines et de crimes. Le problème n’en garde pas moins sa complexité. Et l’on entendra pour longtemps encore le ricanement de Sonthonax toutes les fois qu’on s’arrêtera à la couleur de la peau qui est loin d’être un horizon indépassable,  pour parodier  Jean Paul  Sartre.

Bibliographie
Les Jacobins Noirs
Cyril Lionel Robert .James:
1938
La Danse sur le volcan
Paris : Plon, 1957
Marie Vieux Chauvet
Amour, colere et folie
1968, Gallimard
   Septembre 2012