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Wednesday, October 3, 2012

2 EME GUERRE MONDIALE. LE PILOTE ET LE SOLDAT

I


ls ne s’étaient jamais salués et ne se saluaient jamais.

Ils s’étaient finalement retrouvés en Haïti.  Petion-Ville. et habitaient deux maisons qui se   trouvaient l’une en face de l’autre. Tous les  matins, ils se croisaient, souvent au   supermarket, parfois à la station d’essence ou à la rue. Passaient dans l’indifférence, quelquefois, un pli au front. Qu’y avait-il entre eux ? Personne ne le savait. On dirait que s’entrevoir leur donnait presqu’un haut le cœur. Le regard qu’ils se jetaient inspirait autant de mépris que de nausée. Ils n’étaient point haïtiens, ne s’étaient donc pas querellés, ne s’injuriaient pas, n’avaient point entre eux des haitianneries qui renvoyaient a des histoires de famille et de couleur épidermique.

Ils étaient plutôt des blancs.

Y-avait-il entre eux des relations de famille tournées au vinaigre au fil du temps ? Non. Ni leurs filles ni leur garçons ne s’étaient mariés. Ils n’avaient pas non plus dans leurs relations s une de ces affaires qui s’etaient  achevées dans le drame. Ils n’étaient pas non plus des diplomates occupés à étouffer un incident ou à verser un contentieux. Arrivés tous deux en Haïti presque au lendemain de la  guerre, ils paraissaient plutôt attelés à se refaire une vie sous les Tropiques. Haïti jouissait d’une réputation que lui avaient  fait son rhum, le farniente, et un rythme qui pouvait leur permettre de se remettre de leur fatigue et de leurs désillusions.
Nos deux compères le savaient.

Donc, autant en jouir. L’Europe était loin.

Ils ne se saluaient point, ne s’étaient jamais salués.
Ils vivaient de souvenirs. L’âge leur avait fait un bon lot d’expériences. L’âge aurait du les assagir. Au contraire. S’ ils avaient eu  à la main un conteau, c’eut été un drame de plus. Leur regard le disait, et leur attitude physique également.  A les voir se dévisager quelquefois, en début de matinée, on le sentait. Deux voisins, ça invite à la cordialité. Mais, non. Heureusement, Haïti est dans leur cas, bien un no man’s land.
Une fois, l’un d’eux qui s’était laissé aller à un peu de sentimentalité a confié que la Resistance est passée par les Fourches Gaudines de l’occupant, il n’y a qu’a lire le Moulin Rouge, a –t-il ajoute. Son rictus nauséeux, sa mauvaise humeur, s’explique donc. Ce type qu'il ne pouvait sentir, il l’a connu en des temps difficiles.

Son voisin, lui, s’est retrouvé en France, du côté  allemand durant l’occupation. Pilote de mobilisé après l’armistice de Juin 1940, il est rentré chez lui. C’est là que tous les matins, il voyait passer en tenue militaire avec au col la croix gammée son voisin occupé alors à des taches de police ponctuelles. Tout est parti de la, et la haine et la rage à peine contenue de notre pilote.
Ce pilote qui était français s’appelait ...et son occupant allemand Siegel.

Ils se sont revus en Haïti.



PARIS LIBERATION, AOUT 1944




IL Y A 70 ANS, PARIS SE LIBERE