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Sunday, January 13, 2013

SOULOUQUE... LA CONTROVERSE


LA QUESTION HAITIENNE



la  couronne de Faustin 1 er 
FAUSTIN E. SOULOUQUE

                       UN  LEGACY  CONTROVERSÉ

L
’histoire même lointaine retient une image peu reluisante de l’empire, le second de la vie nationale.  Quand elle  est écrite par les vainqueurs, nous le savons déjà,  cette histoire reste dans sa nature essentiellement  polémiste. En rétablissant la république, Fabre Geffrad, né en 1806, n’aura pas aidénon plus  à rendre justice à son prédécesseur. Les contemporains prétendirent qu’il aurait eu peur pour sa vie. En prenant les devants, aux Gonaïves, ce fut , comme à son corps défendant, que Geffrard  renversa l’empire. La societé poussa un ouf de soulagement, epuisée qu’elle était des excès du gouvernement. Mais, C’était la règle.

Les tueries d’avril 1848, l’opposition mulâtre et le bilan en termes de vies humaines assombrirent  quelque peu le tableau. C’est  l’opinion du secteur dit éclairé de l’Haïti d’alors.  On oublie d’ajouter que cette opposition était continue, et qu’on conspirait presque ouvertement à P-au-P. Le dimanche 16 avril 1848 qui fut fatal à Celigny Ardouin, un des pontifes de l’époque, éclaire suffisamment sur l’état des esprits et sur l’attitude de la societe envers le pouvoir. Les echos de ces journees dites terribles resonnerent au loin, dans la presse d’outre-mer. Soulouque y est représenté comme un monstre assoiffe de sang, image qui devait survivre jusqu'à notre époque, ouvrant ainsi les spéculations sur le vrai visage d’un ancien esclave devenu empereur.


Soulouque était reste jusque la, un homme, inoffensif, sorte d’oncle tom des Caraïbes.  C’est a la limite ce que dit  le tandem dans «  Caribbean searching for its destiny’Mais, c’est aussi un soldat qui avait fait les guerres de  l’indépendance et qui avait grandi dans un nationalisme agraire et  ombrageux. Militariste et esclave, il savait ce que pouvait être la discipline. Malheureusement, il se heurta à une société un peu frondeuse qui, aujourd’hui encore, se croit tout permis. Le choc créole bossale peut aussi trouver son explication dans cette dichotomie et cette version dénaturée des rapports sociaux.  L’apparition des zinglins du général Maximilien r fait écho au  choc  entre les  Piquets d’Acaau et de la bourgeoisie du Sud. « Le pays en dehors » s’agitait déjà non plus sur les collines de la Hotte, en pays Goman, mais aussi le long des bords de mer qui servent de relais aux économies périphériques de  Caprio. Quand, autour de la place Geffrard, fief de Fabre, le heurt se produisit avec les hordes de Maximilien, la preuve était patente que, en moins d’un siècle, les bourgeoisies indigènes allaient être encerclées dangereusement par  les masses affamées, sorte de légion  toujours aux aguets et prêtes à répondre a l’appel des démagogues et des messies.


Haïti n’avait pas d’un point de vue démographique atteint le million, et pour le bonheur des élites, le gros de cette population était rural et l’est  encore.  Le poids de la dette de 1825, sorte d’hypothèque du passé, rongeait sourdement l’économie haïtienne, ruinant l’avenir. Ne comprenant pas grand-chose à ces détails de savant et marqué comme tout survivant de l’ère Sonthonax par le drame de l’émancipation et des menaces qui planeront sur elle, Soulouque n’aura  de cesse de consolider l’indépendance qui commençait à façonner le « psyché »  haïtien  Assoiffé, on dirait, d’espace vital, l’empereur entreprit et ressuscita les  campagnes de l’Est, pour se protéger contre le danger que nous amenaient alors   tous les vents de la Vega.   Les témoignages de Semexant Rouzier sur ces différentes offensives de Soulouque mériteraient d’être mieux connues.   Leurs  conséquences sont cependant loin d’être  innocentes. Rafael L. Trujillo et ses idéologues se remémorèrent nt les atrocités des troupes haïtiennes conduites d’abord par Christophe ensuite par Soulouque pour justifier le massacre de 1937. Poussé par ses lettrés et sa cour,  le chef dominicain fit couler Le long du Massacre un sang qui, sans être patricien, n’en était pas moins rouge. Une  tache qui ne s’est pas tout à fait effacée.

Quoi qu’il en soit, dans sa lettre à Geffrard, aux dires de certains historiens, Faustin 1er  le  rendit  responsable de la faillite de nos troupes et de la scission de l’Est, après trois infructueuses tentatives et des retraites éclaboussées de sang qui n’honorent pas toujours les troupes haïtiennes. L’historien Antoine Michel donne quelques détails sur la conduite du colonel Geffrard. Mais, vue sous d’autres perspectives, la campagne  de l’est obéissait à des mobiles moins prosaïques.

Cela dit, quelle image gardons –nous de Soulouque et de son empire ? Ce miracle digne d’un conte à la Cendrillon plonge ses racines dans l’inconscient collectif national d’une  nation d’esclaves qui tentait de naitre  à la lumière.


Revisitant l’histoire, chercheurs et mémorialistes ont du mal à se défaire de cette image un peu caricaturale du second empire haïtien. Même Victor Hugo n’a pu s’empêcher de reprocher à Napoléon II d’être le singe d’un nẻgre. On connait  le portrait qu’en a fait Gustave d’Allaux, portrait qui immortalisa les clichés et les préjugés de l’époque.  Ni Dessalines ni François Duvalier, aux dires de  Murdo J. McLeod, Caribbean Studies, (1995)  n’ont pu échapper aux méfaits en aval et en amont de l’héritage de Faustin Elie Soulouque.  La presse étrangère reproche à tous les trois leurs excès et leurs brutalités. Les trois ont eu cependant à se battre sur plusieurs fronts, tout simplement parce qu’il y avait une nation à construire.

N’empêche que Soulouque reste enfermé dans trois stéréotypes : son antimûlatrisme, son nationalisme et son choix vodou, en un mot son noirisme.

A la mort de Riché, les boyéristes voulurent garder le pouvoir mais de manière subtile. La question épidermique que l’auteur des Jacobins Noirs considère  comme la malédiction d’Haïti était encore explosive, et il fallait donner le change. Mal leur en prit, car Faustin Soulouque, quoique né esclave, tenait des Mandingues un  certain sens de la dignité personnelle. Ce n’est pas pour rien que sa carrière se déroula sans histoire jusqu’au grade de chef de la garde présidentielle. Les moqueries de Jn P. Boyer, quoique discutables, selon Heinl, n’y purent rien. Bientôt, sous des dehors tranquilles et faites de réserve, un chef émergea, pour le plus grand malheur d’un monde qui s’estimait trop  astucieux.

Bien vite, Soulouque s’entoura d’un cabinet secret qui revoyait les dossiers, mais également d’une garde, sorte de milice recrutée dans le petit peuple. Les Zinglins avaient fait leur apparition sur la scène de P-au-P, ce qui rappelle les zobops de Boyer et annonce les amazones de Salnave  en passant par  les tirailleurs de Geffrard, avec la seule différence que la couleur de la peau créait des identités et des pulsions nées comme des forces de l’instinct  et de l’inconscient.  Il s’ensuivit un choc qui, comme toujours, porta les Haïtiens à prendre l’ombre pour la proie. Cette question allait hanter la seconde moitie du 19 eme siècle en Haïti, ruinant tout effort de modernisation. Quand plus tard, elle atteint son paroxysme sous Salomon, ministre de Soulouque, les Haïtiens avisés comprirent que c’est bien Hédouville qui avait perdu  Haiti, et non  les tentatives de reconquête de Napoléon et de Charles X.

La société cria alors à l’antimûlatrisme,  ce qui ajouté aux origines plébéiennes de l’empereur et à son penchant pour les dieux perdus de  la foret malienne, consacra son choix pour la cosmogonie  vodou  en train de phagocyter le panthéon chrétien, lui-même sorti du syncrétisme  judéo-romain. Dessalines en voulait aux rites africains  qu’il pourchassait, mais Pétion gardait jalousement chez lui son tambour assotor, dans lequel se condensent  l’énergie cosmique et les forces biologiques. Le president  Riche frappait de son « cocomacac » les houzis en transe dans le Bel Air colonial, mais  son lointain descendant Veuillot du Morne Marinette , porta le vodou sur les scènes de Paris, non  loin du Bois de Boulogne. L’empereur avait-il la main heureuse en faisant au p’tit matin   ses libations sur le gazon mouillé de son habitation ? C’est discutable, mais,  il laisse en tout cas à la postérité un facteur a la fois d’unité et de ségrégation, tant et si bien que le vodou risque de remodeler pour le futur ce qu’il reste encore  d’haïtianité dans l’âme  nationale.


Un matin de 1849,  un Soulouque courroucé   envoyait  ses bateaux de guerre au large de l’ile la Navase,  autour de la quelle des marins américains avaient jeté l’ancre. Les négociations s’ouvrirent, mais l’Espagne et la France choisirent d’appuyer les prétentions américaines.  Au bout du compte, on   accepta de partager les revenus que l’exploitation des phosphates rapporterait en versant au gouvernement haïtien une partie des bénéfices. Et Soulouque rappela sa flotte, laissant pendant le contentieux.

McLeod souligna ce nationalisme de l’ancien esclave (il n’avait point  oublié les mots de Sonthonax), trait de caractère qui identifia les survivants de nos guerres d’indépendance. Les contemporains de l’empereur  lui en surent gré pour cette fierté que dégageaient d’ailleurs son physique et la noblesse de ses traits. Il sut, poursuit l’auteur de : Soulouque dans l’histoire d’Haïti, maintenir «  at. bay », les puissances impérialistes de l’époque, La France, l’Espagne et l’hégémonie naissante des USA tentés par ce que contient de résidu raciste, le Destin Manifeste appelé à inspirer leur  politique étrangère. Edmond Paul du Parti Liberal ne pourra nullement s’empêcher de reconnaitre un certain mérite au Bonhomme Coachi malgré son  «  indigence intellectuelle » ajoute le théoricien de ce parti. Ayant montré un certain sens de l’autorité dans la gestion des affaires publiques et une forme de nationalisme  agraire qui annonce  celui entre autres de Maurice Barrẻs, attaché aux valeurs très vieille France , à la veille de l’affrontement Franco allemand de 1914, Faustin E. Soulouque  suscite en notre temps sinon de la sympathie mais du moins un retour de l’histoire qui voit l’ensemble du paysage plutôt que les accidents du terrain et du relief.

L’histoire se trompe souvent mais se reprend toujours.