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Monday, February 25, 2013

POLITIQUE-CONTROVERSE


LE LION ET LE CHASSEUR

Par Frantz  Bataille, ancien directeur du Petit Samedi Soir


P
Lion de la savane africaine
ollux St jean avait déjà levé son fusil, sa proie dans sa ligne de mire. Les soldats en poste aux carrefours et sur les toits avoisinants n’avaient nul soupçon qu’en cette matinée de 1985 le jeune président haïtien Jean Claude Duvalier n’en avait plus pour longtemps. Les tueurs en  général ne se posent pas de question, parce qu’en arriver à leur fin était tout ce qui valait a leurs yeux.  Retranché àl’hôtel Topaze, a six mètres des Casernes des Gonaïves,  Pollux St jean, rentré clandestinement au pays et déjà a la solde du Dr Lionel Laine,  voulait être ce héros choisi par le destin pour remplir une sorte de sacrosainte mission. Mais, au moment de presser sur la détente, un complice le dissuada de porter son coup ; «  c’en eut été trop pour la ville des Gonaïves ; les conséquences seraient incalculables » nous confia plus de vingt ans plus tard, ce complice qui n’en était pas vraiment un. Pollux St Jean abaissa son fusil. Jean C .Duvalier, entouré de sa garde rapprochée, put ce jour –la se rendre a l’église et même  visiter quelques notables.

Le president J C Duvalier 
Les témoins et les services de renseignements haïtiens, au début des années 80,  n’avaient aucun doute. Un malaise général s’était installé en Haïti. En janvier 1983, des bombes avaient commencé à éclater dans un Pt-au-Prince jusque là tranquille. Peu de temps après  l’équipée de Bernard  Sansaricq à l’ile de la Tortue, un avion type Cessna atterrissait  sur la nationale numéro 2, en provenance, raconte-t-on de la Jamaïque et prenait a bord un  commando qui avait raté son coup non loin de Boutilliers. Le fidèle et capable colonel Christophe Dardompré n’en revenait pas. Encore une fois, Jean Claude Duvalier venait de l’échapper belle ; une mitraillette 50 l’attendait dissimulée quelque part qui devait balayer la voie. Une jeune américaine aurait perdu la vie dans cette affaire. Les années 80 annonçaient vraiment la fin, pensait-on, sauf que l’équipe en place  dans les services d’intelligence haïtienne, l’une des meilleures de la région aux dires des experts américains, remontait toujours la piste de ces attentats en série.
«  Nous savions bien qui était derrière les assassinats qui se multipliaient au début des années 80 » affirme l’une des plus intéressantes figures de l’armée haïtienne, le  brillant colonel Jean Valme. Le chef de la milice des Cayes, le sympathique Gérard Valère, était du même avis. On lui avait demandé de trancher la question, mais, précise Valere, le préfet des Cayes avait traine les pieds, et les choses étaient restées au point mort. Malgré les efforts déployés à la 48 ème compagnie du colonel Dardompré,  complots et tentatives d’assassinat se succédaient les uns les autres.
Le réseau était relativement bien huilé.  Sous le couvert d’activités techniques, de jeunes agronomes affectés  dans les  hauteurs de Paillant, se relayaient les instructions inspirées de la Fondation France Liberté de Mme François Mitterrand, ce qui vaudra plus tard à  certains d’entre eux de faire la prison. Dans le Sud, à Camp Perrin, sous des apparences innocentes, la gauche multipliait ses cellules  autant que dans le Plateau Central où une jeune française avait en 18 ans presque évangélisé une bonne partie de la jeunesse.  Au milieu des années 80, le fruit était quasi mur. Les directeurs de chapelle installés dans le pays profond embrigadaient de gré ou de force les pauvres ouailles, en particulier les femmes enceintes qu’ils menaçaient  presque d’excommunation si elles se montraient tièdes à l’ endroit de la nouvelle étoile montante : Jn B. Aristide.

S
t Jean Bosco était déjà le bastion d’une certaine opposition, celle- là violente, au grand désespoir du P. Messidor. Les grands noms de cette paroisse limitrophe de la Croix des Bossales et des marginaux de la basse ville avaient perdu de leur aura : Le P. Diebbes, et notamment le P. Volel. Belges et Hollandais se mêlaient impunément de la politique haitienne. On dira plus tard  qu’ils repondaient de la gauche européenne ou même internationale. Tandis que sournoisement les levantins  faisaient pas mal d’avancees  dans la politique locale, le conflit israelo- arabe avait des échos en Haiti, au  point que entre 1976 et 1979, palestiniens et isreliens s’affrontaient en Haiti et comptaient même des victimes dans  les rangs de leurs services secrets.

On peut toujours se demander ce qu’Haïti avait à voir avec de telles hostilités qui remontent au temps d’Abraham. En 1982, chassés par la guerre du Liban, de jeunes libanaises ne parlant ni créole ni anglais ouvraient leurs comptoirs dans l‘aire de la Croix des Bossales et amassaient une fortune en peu de temps. A l’époque, dans un article intitule «  les Chiens de guerre » la Mossad, soulignait-on, avait compté dans ses captifs des arabes parlant le créole haïtien. En fait, des ressortissants arabes de la génération de 1950 avaient fait leurs premières armes en Haïti. Ils pouvaient des lors épouser la cause arabo-palestinienne, mais en même temps, ils en voulaient au fils de François Duvalier qui passe cependant  pour avoir tenu l’étrier à leurs familles, au grand dam des mulâtres. On va  retrouver vers 1980 quelques uns d’entre eux tissant autour des Duvalier un  réseau  que plus tard on aura tendance à qualifier de terroriste. Un Jaar allait jusqu'à dire, les larmes aux yeux,  que le nom de sa famille était dans la bible : dans le jardin des Jaar », ce qui était exact

Mais, à la même époque, les américains veillaient au grain. C’est le moins qu’on puisse dire. Le phénomène arabe avait essaimé en dans l’Amérique située au Sud du Rio Grande et en Amérique centrale. Les Handal, les Zuraik, les Acra se retrouvaient aussi bien a Santo Domingo qu’au  Salvador ou l’une des figures du parti communiste s’appelait Shafik Handal. En soi rien de menaçant. Cependant, les rivalités israélo-arabes avaient la vie dure. A la Jamaïque, a Santo Domingo et  en Haïti,  sur fond  de raidissement israélien, et  de  radicalisme néo palestinien, une ligne se déroulait suivant deux axes, l’un d’inspiration néolibérale, l’autre de tendance jugée a l’extrême maoïste, mais tous deux enchevêtrées dans la question arabe qui n’était  pas sans brouiller les cartes.
Sur ces entrefaites, vers 1985, en Haïti, l’usure avait gagne les institutions et  dans la vie quotidienne, l’essoufflement s’était installé dans les esprits. Le fils de François Duvalier avait survécu à plusieurs attentats, non seulement  à celui de Pollux St Jean mais  aussi à celui  d’un groupe qui avait financé l’achat de son propre arsenal. Il est étonnant qu’on le retrouve aujourd’hui jouant les victimes et les accusateurs. Partout ailleurs, un individu surpris à conjurer  la perte d’un homme d’état  ne se connait d’autre identité que celle de terroriste. Depuis 1986 qui ouvre une ère d’impunité et de délinquance politique, la vie humaine est assujettie à la loi da la foule et des media en délire. Faut-il encore rappeler que la foule n’est pas le peuple, que le cri n’est pas la parole, que le chantage n’est pas le droit.
 Plus tard, l’église ayant  paye le prix qu’il faut a la  politisation, les adeptes du terrorisme en herbe convertis en chantres de la  démocratie,  ceux qui rêvaient du grand soir rouge et d’apocalypse s’affrontent déjà malgré eux aux balbutiements de la globalisation. Le monde n’est plus un monde étroit dans lequel  les visages pales de Amnesty International prétendent jouer les juges aux dépens des pays faibles, ce qui conforte tant soit peu la cinquième colonne historique haïtienne ; mais, céder à  plus misérable que soi  ne sera jamais de la bonne politique.

L
es assassins n’auront pas lâché prise, tant s’en faut. La voie duvaliériste rappelle étrangement la voie Appia  ou Rome crucifiait ses condamnes, au troisième siècle av. J.C.  En plus d’un quart de siècle, a compter de avril 1963 jusqu’aux desseins inavoués du juge  Jean Joseph Lebrun, lui-même à la solde d’un ancien ministre de la justice lavalassienne, les duvaliéristes  n’ont jamais eu la partie belle. A l’automne 1958, l’attentat à la caserne de Kenscoff laisse 5 morts la plupart tues en plein sommeil. Au  printemps 1959, Albert Georges en détournant  une unité de l’aviation commerciale haïtienne sur Cuba et en assassinant le pilote Eberle Guilbaud, ouvre la saga du terrorisme aérien devant culminer en septembre 2001 avec le raid de Ben Laden au World Trade Center. En 1960, contrairement à la pastorale dominicaine de janvier qui scella le sort de Rafael L. Trujillo, l’épiscopat haïtien en majorité breton  n’arrive pas à renverser Duvalier qui brisa les reins aux derniers  colons en soutanes. En avril 1963, Duvalier enterrait ses soldats dans ce qu’il est convenu d’appeler «  the Haitian Spring », tandis qu’a ‘automne 1964, les guerrilllos de Jeune Haïti rendaient le dernier soupir en pays Goman, sur le Massif du Macaya. Plus tard, en 1986, macoutes, vaudouisants, sympathisants  et classes moyennes duvalieristes succombaient à l’autel d’une presse à laquelle il fallait du sang. Mais, voie royale  ou voix maudite, toute voie est humaine même quand  victimes et  bourreaux se la partagent au nom de l’histoire et de ce qu’elle contient d’exclusiviste. Il se trouve malheureusement que les victimes ne sont pas  toujours uniquement  dans le camp qui était le seul à hurler.

Parce que Les meilleurs fusils d’Afrique ont laissé chez la famille du lion autant de veuves que d’orphelins, le chasseur devient un personnage honorable que l’on reçoit dans les grands salons de la reine Victoria, pour avoir  abattu d’un coup de fusil cet  animal carnassier  qui menace le genre humain.  Et de mémoire d’homme,  c’est au lion qu’on  en veut.  Mais, quand la même histoire est décrite par le lion, l’histoire change de perspective parce que c’est l’homme au fusil qui promène la mort  jusque dans la tanière du lion acculé hélas  à se défendre, lui, sa famille et son futur.

 Le  lion attend encore son historien.