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Wednesday, July 3, 2013

AFRIQUE HAITI



Haiti
Les Derniers Africains


1.- Marie Lourdes s'ouvre enfin
 
M
arie Lourdes, une fillette alors au port de reine, se souvient plus d’un demi siècle plus tard. «  Manman Coyotte, une grosse femme comme on en trouve encore en Afrique de l’Ouest, s’asseyait, faisait venir la marmaille, c'est-à-dire, tous les enfants du lakou Abraham, située  vis-à-vis de la loge Grand Orient, et la, devant son baril rempli de feuilles macérées, elle coupait légèrement a la hauteur du bras ; le sang giclait, mais séchait bien vite. Manman Coyotte ajoutait quelques feuilles comme pansement. Le gamin suivant arrivait, et le lendemain, tous les bambins du lakou savaient que Manman Coyotte les avaient marqués.

C’était, on le saura plus tard, une sorte de « garde », ce  talisman tracé à même la chair. « Nous étions protégés contre les maléfices et le mauvais sort », répétera Mie Lourdes. Sainterlonge Abraham avait été remplacé par son fils Alexandre, un prêtre vaudou à la voix d’or, le meilleur baryton de la Caraïbe, laissera-t-on entendre dans les milieux ethnologiques proches de Lamartiniere Honorat, un anthropologue hors pair, qui à plus de 90 ans, représente le dernier des griots. Marie Lourdes D…revoit encore les personnalités de ces années 50 hanter jour  et nuit le houmfort de Sainterlonge. Un milieu vodouisant qui fit alors une place de choix à la chanson et à la danse, Lakou Abraham incarne ces survivances de la première moitie du 20 ème haïtien, hésitant entre une Afrique tenace et une Amérique curieuse, mais arrogante du mois pour les générations ayant grandi sous l’occupant. Malgré la caricature qu’en a fait le consul anglais St John au 19 ème siècle, Haïti reste encore une Afrique qui s’ignore.

L’épiphanie, avec son rite d’initiation conduit sous le signe du sang, Maman Coyotte l’a vécue avec cette foi élémentaire qui n’est pas sans rappeler Velléda .Dans les Martyrs de Chateaubriand, Velléda frappe un arbre de la foret gauloise en disant :au gui l'an neuf . Comme la garde de Manman Coyotte, essentiellement marquant un rite de passage, le sang des gamins marque une sorte de changement d’ordre cosmique. Plus tard, à la fin de l’année, vers le mois de Novembre, la cérémonie MANGE IAM rappelera un peu la Guinée heureuse ou l’on continue encore à manger le riz au poisson pendant qu’on se remémore les femmes poissons qui se confondent chez nous avec les « maitresses  dlo ». D’autres cérémonies seront tenues sous les arbres reposoirs, mapous tricentenaires où se reposent, estime-t-on, les dieux et les esprits de famille. Lors des grandes campagnes anti vodou, Dieu seul sait combien l’abattage de ces arbres a sapé les repères psychologiques et émotionnels d’un peuple vivant dans le déchirement toutes sortes d’inquisition.

Au pied du Morne Aquin, les derniers patriarches assument des fonctions de banquier et de trésorier. Malade, Mérita C…s’en remet à l’aïeul pour les frais médicaux. A la Cahouane, Tolemme Cherestal, chef de section pendant plus de 30 ans, exerçait  une autorité insoutenable. On se taisait en sa présence, et le silence qui s’en suivait permettrait d’entendre la chute d’une aiguille. Chefs de tribus se partageaient jusqu'à récemment le territoire rural. Le heurt entre les groupes de rara de Leogane renvoie à cette Afrique encore tribalisée. Les manuscrits du députe Gabriel Lerouge racontent a voix basse ces chocs de titans qui s’ensuivaient quand les derniers Africains de la première décennie du 20 eme siècle vidaient leurs querelles, avant le sac de Fort rivière rasé par Smedley Butler, le fondateur de la gendarmerie haïtienne vers 1919.
Mie Lourdes s'affaire

L’occupant américain a épilogué  a loisir sur les « Cannibals Cousins du capitaine John Huston Graig. Mais, plus prés de la vérité, est le livre de Katherine Dunham, Island Possesed. On y trouve des histoires de cannibalisme, ce qui néanmoins reste à vérifier.  Une fois, sous Borno, une mère accusée "d'avoir mange  » son propre enfant a été tout simplement passée par les armes. L’affaire a lieu à Grand Goave. Remémorons un peu l’affaire jeanne Pèle sous Geffrard. Le sensationnalisme et le pittoresque se sont toujours tissés aux dépens de la verité. William Seabrook dans Magic Island va plus loin en racontant comment Celestina Simom, la fille du  Président Antoine Simon sacrifiait les soldats du palais à ses dieux vaudou. Naturellement, pour choquants que fussent de telles allégations, elles devaient néanmoins susciter autant d’intérêt que de curiosité intellectuelle durant la seconde moitie du 20 ème  siècle. Le tourisme devrait y trouver son compte. Et une certaine probité aussi.

( A suivre)   
   
2.- Les Tambours de la Foret Malienne