globeadventureshorizons


Tuesday, October 29, 2013

LA QUESTION HAITIENNE

COMPRENDRE FRANCOIS DUVALIER


LEGER FELICITE SONTHONAX
Le president Francois Duvalier



P
our comprendre François Duvalier qui a dirigé Haïti de 1957 a 1971, il faut se rappeler  que la seconde moitié du 20 ème annonçait, qu’on le veuille ou non, le commencement de la fin pour la société traditionnelle ou pour mieux dire l’agonie de la société post esclavagiste ou de ce qui en était le résidu. A ce compte, François Duvalier se présente à la fois comme un homme du passé et du futur.

Par une de ces fatalités dont l’histoire semble avoir le monopole, la société haïtienne a trainé pour le pire cet héritage du passé qui n’est autre que l’héritage colonial. A part sa stratification et son exclusivisme, la société d’après l’indépendance était à ce point fragile que déjà , vers 1801, sous la  férule d’un Toussaint Louverture, des esclaves fraichement affranchis, rassurés sur leur futur, écrivaient à leurs anciens maitres pour les inviter à revenir à St Domingue, la paix enfin rétablie.  Plus tard, ce discours et ces mentalités revivront  parmi les classes nouvellement acquises à la liberté. Ce n’est pas sans raison que les générations du temps de Pétion et de Boyer vivaient dans la crainte d’une offensive française, illustrant ainsi combien la nouvelle nation était  minée par l’angoisse des lendemains.  Haïti, sans le savoir, s’était installée dans une ère épique qui alimentera la légende des générations de la fin du 19 ème siècle.  Nourri d’un nationalisme ombrageux et agraire notamment dans le Nord, l’héritage des premières années du 20 ème siècle consistera dans le culte de la patrie qu’on prétendra aimer de manière charnelle à la Charles Péguy. On retrouvera même dans la France profonde ce culte barrésien  aux  vieilles terres restées monarchistes.

LA MAJORITE MINORISEE

François Duvalier incarnera dans les années 20 ce nationalisme haïtien qui, quoique nébuleux et précaire, gangera en intesite  sous l’occupation.  Les survivants de ces années- là tendent à disparaitre, mais ses derniers représentants, que ce soit l’agronome Edouard Berrouet, un nationaliste de gauche à l’instar de Jacques Roumain ou encore Lamartiniere Honorat  en qui on retrouve, allié a un modernisme bon teint. un dosage heureux de la pensée de cette époque, incarnent ce qu’il y avait de consistant en ces années 20 et 30. Mais ce  qui va  surtout  trancher dans le décor, c’est le courant d’une certaine haitianité aux contours mal définis,   appelée cependant  à inspirer en même temps  les démarches des hommes de gauche et  de droite,  dont les Carlet Auguste, les  Herve Boyer,  les Clovis Desinor et les , René Chalmers pour ne citer que ceux là . Parmi cette brochette de combattants d’une  résistance alors  culturelle en attendant qu’elle épouse les nuances d’un nationalisme dans lequel se retrouvera l’Afrique des indépendances, François Duvalier allait s’adresser à l’essentiel, c'est-à-dire, à cette majorité minorisée selon l’expression du Professeur Leslie F. Manigat, d’où  il va tirer  sa milice, la plus grande réalisation de son gouvernement  à notre avis.

Il est difficile de  représenter par la pensée  ce que peut être la vie rurale, les travaux et les jours  du plus grand nombre, quand nos élites ont été pour la plupart formées à une école qui ne tenait qu’a briser l’âme nationale et a installer à la place d’un cœur, d’une vision du monde et d’un style de vie une culture qui n’invitait hélas qu’à la négation de soi, à la  trahison et a l’àbdication .  Pour jeter les bases d’une nation toujours en devenir, François Duvalier a  légué aux régénérés de Sonthonax ce qu’on pourrait appeler l’illusion du pouvoir.  Alphonse Daudet raconte qu’un porte drapeau d’un régiment de l’armée française de 1871 ne vivait que pour tenir très haut  ce drapeau dans lequel il avait placé son destin. En créant sa milice, Duvalier songeait peut être à son pouvoir, mais il pensait surtout  tirer la majorité de ses silences, de ses peurs et de sa grande blessure historique, laquelle n’était en fait que  l’exclusion tantôt pour des raisons épidermiques, tantôt pour un  passé dont elle n’était pas responsable. Or, la psychologie contemporaine a appris que l’homme ne se libère et ne donne sa veritable mesure  que dans le triomphe. Duvalier croyait qu’en donnant aux masses noires une  vision de leur dignité, une nouvelle image de soi, et finalement une mission, il pouvait élargir l’assiette nationale et insinuer dans leur esprit qu’elles étaient elles aussi partie prenante de cette expérience du rachat de l’homme par l’homme. En tirant, suivant l’exemple de Sténos Vincent, de sa torpeur le paysan pour qui le géographe Paul Moral croyait quel’heure des réparations avait sonné,  Duvalier pouvait extrapoler et  prétendre  que derrière la  race il y avait l’espèce à sauver, ce qui voulait dire l’essence même de l’histoire.

LA  ROSE ET LE FUMIER

Si quelques milliers de familles  aspiraient  comme en Afrique du Sud à régenter  le destin de 4 millions d’âmes  augmentant au rythme d’une croissance exponentielle, il faudrait ou bien se laver les mains  comme Ponce  Pilate ou bien choisir un nouveau cours au fleuve de l’histoire. Pour sauver l’avenir, la paix sociale  et pallier  à  la répétition du festin de Balthazar, l’ordre vermoulu  des siècles passés était en dépit de tout assujetti au sort de Carthage rasée par Scipion. La création de la milice rentrait dans le projet d’une modernisation sociale et économique de l’ancienne St Domingue.  Mme de Sevigne écrivait qu’il fallait un peu de fumier même sur les meilleures terres, mais hélas passé 1986, les octogénaires  du micro monde se demandaient si la rose pouvait sortir du fumier, après 40 ans  de pouvoir noir (1946-1986).

C’est pourquoi il s’est installé cette paix armée   en ces  années 60, années de feu mais années épiques, lorsque  au nom des enfants de Sonthonax et pour  ceux de cette  Afrique qui s’ignore, la bataille d’Haïti, même si elle se confond avec les démêlés  de l’administration Kennedy tentant d’imposer à une Amérique  ségrégationniste les doléances d’une race pour laquelle du sang a coulé a Gettysburg lors de la fameuse address de Abraham  Lincoln, continue d’avoir sa raison d’etre.  Le paradoxe du gouvernement de F. Duvalier, c’est que malgré la solidarité objective des peuples du tiers monde avec le programme des régimes satellites de L’URSS, Duvalier va rester soudé aux idéaux de l’hémisphère, notamment lors de la crise de Cuba et  à la conférence de Punta del Este.  Le secrétaire d’état américain Dean Rusk a prétendu qu’en échange de son soutien, le chancelier René Chalmers lui a offert une tasse de café à $ 2 contre un projet d’aéroport évalué à plus d’un million de dollars, soit 5 millions de gourdes haïtiennes. Duvalier et son chancelier  sont allés bien au delà de leurs promesses contrairement à  l’émissaire américain qui, une fois, disait d’Haïti qu’elle était la poubelle de l’hémisphère.

Malheureusement, les USA ont été trop souvent livrés à des individus avec très peu de  vision dans l’esprit. Haïti à l’époque a mené  une guerre sans merci contre la gauche anonyme avec une poignée d’officiers engagés au plus fort  de cette  guerre froide qui se livrait  contre le monde libre. Il faudra du temps aux successeurs  de Kennedy pour comprendre le rôle d’Haïti dans l’arrière cour de Bill Clinton. Duvalier une fois parti, sous prétexte qu’il fallait maquiller  le pouvoir, la vieille garde fit les frais de la modernisation à un prix élevé. Mais, Les années d’or de la dictature en termes de qualité de vie restent non pas supérieures, mais différentes  des années dites de démocratisation et de privatisation.

LE TEMPS DES CHEVALIERS

C’est finalement le professeur Marcel D’Ans et David Nichols qui expriment le  mieux le bilan des années Duvalier  dans la vie politique haïtienne. Le chancelier haïtien des années 70,  le Dr Adrien Raymond disait que François Duvalier a voulu instituer l’ordre équestre dans les affaires de la République en souvenir de la Rome impériale. En introduisant les figures remarquables de la province dans l’administration, en recrutant sa garde prétorienne dans l’arrière pays, Duvalier a donné une impulsion datant de Stenio Vincent a la frange des marginaux du pays profond.  Une anthropologue  a tiré la conclusion que Paul Magloire, Dumarsais Estime et François Duvalier représentaient les enfants de Vincent, avec la seule différence que  de ce triumvirat, Paul Magloire, homme venu d’un Nord fatigué de faire l’histoire, ne va pas s’embarrasser de la question de couleur, dont on a dit qu’elle était la malédiction d’Haïti.


Comprendre Duvalier enfin, c’est imaginer ce que Haïti pouvait devenir au 20 eme siècle avec une société d’apartheid, à laquelle on a appris que Dieu était de race caucasienne, que l’esclavage était même une grâce de ce pur esprit, que même dans le ciel, aux dires d’une Jérémienne  de l’ancienne societe,il existait encore des classes, et que l’avenir n’était réservé qu’a ceux qui ressemblaient à ce dieu. On comprend aujourd’hui la révolte de Prométhée, on comprend également que le 21 ème siècle reste le siècle des mea culpa, en attendant d’être celui de la foi, fût elle- aveugle. Mais le visage de la foi est euclidien. Duvalier s’est confusément attaqué à ces citadelles ; mais à vouloir libérer les soutanes, il a pavé la voie à ce qu’il reste de pernicieux et d’inhumain dans le monde des églises. Pour tout dire, il a bouleversé la matrice de ce pays ,selon le professeur Gérard Gourgue, mais cette matrice est porteuse de surprises et pourra toujours enfanter dans le même lit et   presque à parts égales, le bien et le mal.
Le russe Leonid Brejnev



Le Chancelier Rene Chalmers & l'ambassadeur  Carlet Auguste

David Dean Rusk,
le secretaire d'etat americain