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Sunday, May 25, 2014

GRANDS HAITIENS : DIEUDONNE FARDIN...


DIEUDONNE FARDIN

Il a voulu sauver l'histoire et la memoire

Billet a Ben,

J
’écris ces pages, spécialement pour toi, Ben, mon directeur et mon ainé de qui j’ai appris à donner aux choses leur exacte mesure. Le temps a passé, mais les interrogations restent les mêmes. En changeant de garde, la bataille ne change pas de ton,  parce que tout simplement,  le passé porte encore cette  brulante  tunique  qui enleva le sommeil à ce héros de la fable grecque, autrement dit, ce passé peut encore  se répéter,  parce que, comme tu le sais, «  the future has a past ».  

                                                                                           
                                                                                                                                         ,

Mais, quoi qu’il en soit,  au moment où le crépuscule guette nos paysages et les édifices que nous avions construit à la manière de ces  matinées de Proust buvant son the, la meilleure manière de rappeler que la terre haïtienne continue de faire encore  l’histoire  sous sa  magie, c’est  de  s’engager  pour ce qu’il y a d’essentiel parmi  la race des hommes. L’essentiel, ce sera toujours  la lutte contre la faim,  la lutte contre l’ignorance et surtout contre ces préjugés qui paralysent et anéantissent ce qui reste de générosité dans le cœur humain.  Il faudra toujours, en effet, se battre pour quelque chose de plus grand que soi, tant qu’il y aura un enfant à nourrir, un désespoir à soulager et un visage sur lequel  créer un sourire. C’est toi qui sus m’apprendre au Petit Samedi Soir, cette triple vocation. Je t’en saurai toujours gré, sois en sûr.

Un pan de ciel bleu...
Nous nous sommes en effet battus pour le panem quotidianus, pour   un peu plus d’humanité envers les survivants  de nos terres trop étroites, et surtout au nom de  cet orphelinat du commissaire Sonthonax dont les cris sont parvenus jusqu'à nous. Des deux cotés, il se trouva des victimes et des bourreaux. Nous nous sommes engagés à retrouver de part et d’autre  cet homme qui  pouvait survivre a ses errances et a savoir   si le bourreau n’était pas une  victime a son tour, en d’autres termes, si la victime ne venait pas d’un bourreau. Je pense encore que ce fut quelque chose de grand et de beau.

Tu avais hélas  tenté de sauver le passé et le futur comme cette trop   belle Europe déjà fatiguée  sous les chevauchées d’Attila  et  à la manière des moines du Moyen Age,  tu as voulu rééditer nos vieux livres, que des iconoclastes détruisirent un matin de janvier 1991, le juron à la bouche et la torche à la main. Tu as voulu, en donnant  un visage  et un nom à l’aventure haïtienne, sauver la vie et ce qui reste de feux sur le Bosphore.  Rien qu’a ce titre,  tu restes à mes yeux comme ce  grain de sable qui condense l’essence même de nos civilisations hélas perissables.Tout monde est périssable, mais tout monde renait aussi de ses cendres.  Et c’est ce qui console !

Alors, pour chaque accès de fièvre au Petit Samedi Soir, au nom de nos disparus et de ceux qui leur survivent,  pour ceux la qui sont partis  un matin de nos salles de rédaction et  dont nous ne  gardons qu'un pâle  souvenir,  accepte que je te dise :

Merci, Ben et  surtout merci  pour Haïti.

          
 Dr Frantz Bataille, 
Rosedale, Queens, NY 25 Mai 2014