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Monday, June 2, 2014

ITE MISSA EST; MAIS, PARIS VAUDRA TOUJOURS UNE MESSE


PARIS VAUDRA TOUJOURS UNE MESSE

par Frantz Bataille, 
ancien directeur du Petit Samedi Soir



Juin 1963

Ce sera le dernier été pour John F. Kennedy.
Croix de feu bon teint, De Catalogne est un monarchiste qui ne jure que par Charles Maurras, son maitre à penser. La lettre a de Gaulle est un hymne a l’héritage latin qui célèbre en même temps le champion des décolonisations africaines.  De Ca, comme le surnomme Duvalier, fait jouer ses contacts au Quai d’Orsay. De Gaulle se montre sensible à la cause noire. Il dépêche en conséquence son lymphatique ministre des Affaires Etrangères, Courve de Murville a Washington. Le White House le reçoit le 25 mai,  a 11 H. AM, soit plus  8 jours après la date d’expiration de l’ultimatum JFK à Duvalier fixe au 15 mai 1963. L’ambassadeur de France Herve  Alphand accompagne le ministre.

« Welcome » salua le jeune président américain, comme de Murville franchissait le seuil du bureau ovale. A brule pourpoint, il engagea le dialogue.

-Comment les choses se passent chez  vous, M. Le ministre.

-On n’a pas à se plaindre, enchaina de Murville. Il y a une expansion économique. La seule chose à redouter, c’est l’inflation, ajouta le diplomate.

 Ce n’étaient que généralités et fair play diplomatique bien à propos en cette fin de printemps en Amérique. Le president passa  tout de suite a l’essentiel en soulignant la question du Laos et du Vietnam, non sans un appel du pied au Moyen Orient. Puis, sans trop tarder, il  en vint  comme de manière impromptue au dossier de l’heure  en demandant à l’émissaire de de Gaulle comment il voyait la situation en Haïti.

Mai 1963
 Le Boxer, Porte Avions, dans les eaux territoriales haitiennes


Pas d’autre Cuba…

« Nous avons une communauté de plus de 800 français en Haïti » rappela le ministre à l’attention du président américain, propos qui renforcent l’orientation de la politique africaine de de Gaulle. « L’Afrique est d’ailleurs une région en pleine exultation d’autant que nous avons fini par aboutir a un accord avec la Guinée de Sékou Toure » avait souligné le ministre tout au début  de cet entretien si éloquent par ses silences.  JFK parut même agressif et curieux, venant même à mentionner la lettre de Duvalier à de Gaulle. Ce n’est que coïncidence, répondit le ministre qui arrivait à Washington peu après la lettre responsive du Général. En tout cas, conclut Kennedy, nous ne sommes pas prêts à tolérer, dans la Caraïbe, un autre régime pro-castriste. Nous interviendrons si tel est le cas.

Dans le doute, le sage s’abstient, disent encore les Latins.  De  la Baie des cochons a la crise haitiano-dominicaine de 1963, JFK sut montrer de l’hésitation ou de la prudence, au gran dam des faucons. Un autre Cuba restait  une possibilite, concluaient presque d’une seule voix les notes des diplomates et  celles des services secrets, expérience que. Kennedy n’était pas du tout prêt à renouveler. Autant pratiquer la politique du wait and see.
Quant a la flotte Amphibie Atlantique, elle  avait déjà recule des mers haïtiennes  depuis le 23 mai, comme avec les vagues qui l’avaient emmenée 

  Magie noire vs Magie Rouge

François Duvalier était alors d’une subtilité sans pareil et montait comme un flair animal à jouer ce jeu d’échec. Son émissaire européen Gérard de Catalogne s’était montré digne de la confiance placée en lui. De passage à NY, alors que le torchon brulait encore entre l’administration Kennedy et le caudillo haïtien, il tint une conférence de presse presque à titre de ministre de la propagande. Aux dires de René Julien qui le tient lui-même de  de Catalogne, Duvalier tenait en permanence un compte ouvert à Chase Manhattan Bank, pour les besoins de sa cause. De Catalogne reçut un blanc seing de Duvalier pour faire un tirage substantiel, l’intendance ne pouvant plus attendre. Peu de temps après, l’haitiano-français connu pour ses options de droite et conservatrices, réunit un parterre de journalistes pour leur dire : En cas d’échec de Duvalier, c’est non seulement les DOM-TOM français qui tomberont dans l’orbite soviétique, mais également le Venezuela, l’Argentine, le Mexique. En un mot, toute l’Amérique latine tombera comme des dominos. » . Le NY Times opposait déjà la magie noire de Papa Doc à la magie rouge de Castro. Au recul de la vague, début juin 1963, le vent avait commencé à tourner.

La victoire de François Duvalier conforte de Gaulle, l’homme des décolonisations africaines. Nostalgique des grandeurs défuntes, le chef français croit dans l’autodétermination des peuples, et dans le cas d’Haïti,  alors fidele a la latinité et aux valeurs républicaines, et  menacée d’un impérialisme qui l’ennuie dejà, ce langage vaut ce qu’il vaut. Le ministre des AE français, Courve de Murville, n’a pas traversé l’Atlantique pour autre chose, quelque lilliputien que soit l’héritage latin dans la méditerranée américaine. De Murville que n’aimait pas Jean Lacouture volait quand même bien haut,  ce qui porte à croire qu’au confluent des impérialismes, Paris, de toute manière, vaudra toujours une messe.

( Extrait du manuscrit: La Recession des Vagues . C'etaient les annees 60 )