LA FIESTA DEL CHIVO
La Fiesta del Chivo du romancier
péruvien Mario Vargas LLosa condense la era de Trujillo dans les manœuvres de
palais qui précèdent l’assassinat du chef dominicain. L’intrigue est conduite
de main de maitre, invitant le lecteur à
aller jusqu'à la dernière page. Trujillo est décrit comme ces personnages des
tropiques qui vivent leur quotidien en faisant des libations aux dieux de la
fête : rhum, danse et musique. Les femmes, l’argent et le pouvoir
couronnent bien sur ces bacchanales sauf
que ces délices dignes de Capoue ne
mènent nulle part, parce que, faute d’être institutionnalisée, la vie dominicaine,
au temps du Chivo, se déroule dans un décor de sang et de violence qui hantera
jusqu'à la fin, ce que trujillistes et opposants appellent la era de Trujillo.
Trujillo n’a pas moins marqué son
temps. Le romancier à vouloir imiter l’historien, fait un tort immense à une
époque qui mérite d’être mieux connue. Ces remarques valent tout aussi bien
pour les Comédiens de Graham Green, livre très caricatural pour Papa Doc. Si
l’histoire s’acharne à reconstituer la vérité, cette tache prométhéenne, qui ne
s’arrête qu’à l’a peu prés, le roman est par définition un débordement
d’imagination qui embellit et enlaidit en même temps le paysage, toujours aux dépens de la vérité.
La Fiesta Del Chio éclaire
néanmoins sur la réalité de ce temps
dominicain. Néron aurait et a en fait prêté sa tunique aux trujillistes,
entrepreneurs portés à l’esprit
clanique, mais avides en même temps
d’honneurs et de cette bénédiction que les latino et antillais attendent des
métropoles, sorte de paradis perdu alimentant toutes les nostalgies…C’est en
fait bien une fiesta où tout le monde trouvera son compte, fonctionnaires qui
doivent leur position au Chivo, mais également opposants et finalement les
requins de Boca Chica qui se nourrissent dans leurs eaux de cet excès de sang
qu’ils attendent au pied des falaises.
Mais, la Fiesta prend toute une
autre perspective quand Angelita Trujillo raconte l’histoire de son père et du
pays dans lequel elle a grandi. Témoin inattendu et privilégié, ayant vécu les
choses du dedans, son ton se rapprochera plus de la verite, même si c’est sa
verite à elle. La oùù le romancier
péruvien voit la violence et les scènes sanglantes de Johnny Abbes Garcia, le
chef du SIN, service d’intelligence nationale, Angelita voit un père aimant,
plein de prévenances pour les petits
enfants. 50 ans plus tard, les voix intimes de la « era de
Trujillo »se lèvent, notamment celle de la « nieta » del Chivo,
la fille de Ramfils, qui elle s’engage avec moins de passion à revoir cette
période qui divise encore les dominicains.
Le Chivo n’est finalement pas
mort. L’histoire prend toujours sa revanche sur le romanesque.
13 Aout 2012, Miami