Duvalier a pratiqué, selon Alex Dominique du Souverain, la politique de l'hiver russe, ce qui voulait dire qu'il a attendu le lever du soleil, comme dans le roman carthaginois, puis a ordonnẻ l'assaut préparé par le colonel André Farrau qui n'aimait pas Pasquet. Avant 8H A.M. les jeux étaient faits. Pasquet qui rêvait d'être le Nasser des Antilles, aux dires du major Gérard Constant...ce 28 juillet 1958, n'allait en fait que répéter la tragédie grecque
L'été des alliances perdues
Pages du manuscrit : Les Généraux m’ont dit de Frantz Bataille
L’ÉTÉ DES ALLIANCES PERDUES
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LES CASERNES DESSALINES |
«
Je me suis gardé d’en parler au président. Il avait echange des propos parlé a trois reprises,
je crois, avec Pasquet, dans un calme presque olympien. Sa femme se tenait à ses côtés
avec beaucoup de dignité ; les canons continuaient de tonner ». Claude
Raymond, le chef de la maison militaire avait pour principal rôle de veiller à
la sécurité de la famille présidentielle. C’est ce à quoi il s’adonnait d’ailleurs,
lorsque arriva comme par enchantement une sorte de deus ex machina en la
personne du colonel André Farau.
Il a toujours existé une sorte de rivalité
de couleur entre Farau et Pasquet, attisée
par le général Paul E. Magloire, soutient
feu Jean L. Dominique tombé comme son frère Philippe en avril 2003. Ce n’est
pas tout a fait vrai ; mais, même s’il y avait beaucoup d’entregent entre
Pasquet et Farau à l’occasion des
rencontres fortuites, l’animosité entre
les deux était palpable, due à l’on
ne sait quoi.
André Farau aurait-t-il pris ombrage des relations frisant la camaraderie
entre Pasquet et le Président Magloire ? Farau trouvait que Magloire
choyait ces officiers, entre autres Pasqauet et son beau frère Philippe
Dominique. Lâché par ces deux vers 1956, à la fin de son mandat, Magloire ne
put contenir sa colère lorsque, peu de jours avant son départ, il se rendit aux
casernes. Comme il s’expliquait et que
Pasquet croyait pouvoir l’interrompre, Magloire laissa tomber à l’adresse de
son subalterne, : « Capitaine Pasquet, Taisez vous, je parle. ».
Ce fut la dernière algarade publique de l’imposant général. L’armée et
notamment les officiers mulâtres en avaient assez de cette étoile qui avait
trop brillé, bien avant 1946. Les jours
du général était comptés.
En cette matinée encore incertaine du 28 juillet, un Farau jaloux crut
avoir trouvé l’occasion de régler ses comptes à Pasquet. « C’est mon
affaire » aurait-il affirmé prenant l’initiative de la contre attaque.
Claude Raymond, secondé par Henri
Namphy, n’allait pas être en reste. Il
dira au président dans la prochaine heure d’appeler à la rescousse ses
partisans du Bel Air. Mais, sur les entrefaites, l’un des officiers du commando
retranché aux Casernes attendant les
renforts, eut la malencontreuse idée de vouloir fumer. Il envoya un nommé
Marcel acheter une cigarette splendide dans le bar d’à coté. C’était pour sa
perte. Pris et conduit au ministère de l’intérieur et interrogé par le sous secrétaire
d’état Lucien Chauvet, une victime de 46, Marcel ne se le fit pas
demander deux fois : Il n’y avait que 8 individus aux Casernes
Dessalines. Pasquet avait prétendu,
parlant au président Duvalier, qu’il avait le contrôle de toutes les garnisons
importantes de P-au-P et de ses environs.
Duvalier et ses hommes se sentirent ragaillardis
en apprenant ces détails fournis par Marcel.
lors, esquissant un plan d’ensemble qui consistait à contourner les
casernes, André Farau fit installer une mitrailleuse 50 à l’est, donnant sur l’aile
gauche des Casernes si l’on se tient au palais ; il en fit autant à l’aile
donnant sur la rue Monseigneur Guilloux, non sans détacher des unîtés mobiles
en direction du palais de Justice. Une
attaque frontale devait venir de la cour du palais et avancer via la barrière
qui sépare les casernes du palais national. Le let Kesner Blain devait ouvrir
le feu à l’aile est et Henri Namphy aidé de Jn Baptise Hilaire allait en
faire autant. Quand tout fut prêt pour l’assaut final, une station de radio commença
à vociférer, dénonçant les magloiristes, les antinationaux, les blancs impliqués
dans la réédition d’un nouveau 1915 sur la terre de Dessalines. di fe nan
kay-la. L’appel était lancé au nom d’un nationalisme virulent capable de
galvaniser les survivants de la génération de l’occupant.
Il n’est pas encore huit heures. Les pins du Champs de Mars voient déjà se
lever le soleil
Se déclenchant presque de manière simultanée, le staccato des tirs de
mitrailleuse créa une atmosphère de guerre dans l’aire des bureaux
gouvernementaux transformée pour le moment en no man’s land. Le commando ne s’attendait pas à une telle
riposte, lui qui croyait pouvoir compter sur des intelligences comme au p’tit
matin du temps de Charles de Delva attaquant le palais de Vilbrun G.Sam. Les
blancs du commando, perdus dans ce véritable labyrinthe que sont les casernes,
ne purent maintenir en joue les soldats assis presque nus sur le pavé de la
cour. Les recrues appelées à former la garde présidentielle reçurent l’ordre de
se mettre à l’abri ou de sauter par-dessus les balustrades. Un tir des plus
nourris se poursuivait. Derrière sa mitrailleuse, Philippe Dominique n’avait
pas lâché prise. C’est la qu’il va d’ailleurs trouver la mort, la main crispée
sur le montant de son trépied, dira son frère, Jean L. Dominique. Du côtédu
Palais de Justice, la foule des curieux encourageait un soldat qui avait pris dans sa ligne de mire un blanc, presque
suspendu aux géantes fenêtres des casernes. Un hourra formidable salua le coup
de feu qui atteignit le blanc, virevoltant un peu avant de tomber dans le vide sous les
applaudissements des badauds. Perpignan tenta de se sauver, mais fut abattu non
loin de la clinique du Dr Mondestin.
Arthur Payne trouva la mort, alors qu’il se faisait passer pour un journaliste ;
une rafale l’écrabouilla dans le matelas où il tentait de se refugier. Non loin
du cimetière, un autre blanc du commando fut tué à l’arme blanche.
Mais, c’est la fin du capitaine Alix Pasquet qui saura montrer comment l’histoire
pouvait mélanger ce qu’elle contient de tragique et d’ironique à la fois.
( A suivre)