LA QUESTION HAITIENNE
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n n'en croyait pas ses yeux.
Soulouque, le vieux chef qui endurait
les railleries du président Jean Pierre Boyer, mais si inoffensif aux yeux de Joute
Lachennais, cette française qui meubla le lit de deux de nos hommes
d'état, revit dans une jeune femme qui n'a pas trente ans. A plus
de cent cinquante ans de la chute de l'empeur, Nahomy Soulouque, prolonge
pour ainsi dire la tradition impériale haïtienne. Les reines et les
princesses ne se rencontrent pas seulement au château, dit quelque part
la chanson.
Quand nous l'avions rencontrée dans un
quartier d'Orlando, Mlle Soulouque ne savait pas grand chose de l'empire. Elle
ne savait pas non plus que l'histoire, quoique caricaturale, conservait des
restes de grandeur presque épique. Né esclave, et affranchi par André Rigaud,
le chef mulâtre de la péninsule du Sud, Faustin Soulouque serait comme la masse
anonyme tombé dans la poubelle de l'histoire. Mais, depuis l'Eneide, Virgile
avait note que les destins trouvent toujours leurs voies. Elevé a la présidence
de manière presque accidentelle, Soulouque promena nos couleurs dans les villes
de Neyba et de Jimani, inquiet qu'il était de l'existence d'une cinquième
colonne couvant à l'Est, la où mouillèrent en février 1802 avant de se
diriger sur le Cap, les navires de la flotte de Leclerc.
Mlle Soulouque savait encore moins
que la ville de Petit Goave depuis longtemps versée dans un culte
presque muet de l'empire de Faustin 1er n'a jamais su exploiter même d'un point
de vue touristique ce qui reste de cette époque qui a coïncidé avec le second
empire français de Napoléon II. Le Relais de l'empereur à la Grand rue a hébergé
Faustin Soulouque et sa famille. Un stèle élevée non loin de Ti Guinée se
dresse marqué aux armes impériales. N.Soulouque n'a peut être jamais visite
l'habitation familiale des palmes qui sert, prétend-on, de démembré et de haut lieu spirituel aux
descendants de l'empereur. Nahomy porte un nom sur lequel elle ne sait jamais
interroger. Il en est ainsi de l'histoire. Les quelques curieux que nous
connaissons affirment que la descendance directe se serait éparpillée
dans les classes populaires, ce qui n'est pas tout à fait exact. N'empêche
que Faustin 1 er qui avait le port royal et une certaine noblesse dans le
visage ait prêté un peu de cette élégance à sa postérité.
Nahomy d’une amabilité touchante est
toute indifférence à ces mystères de famille
qui alimenteront encore longtemps l’histoire et sa légende. Elle termine
pour l’instant quelques classes dans un collège ou une université en Floride.
Demain, peut être, comme ce fut le cas pour Georges Biassou, un général des armées d’Espagne inhumé
en Floride, Nahomy Soulouque ira elle aussi la où l’histoire ne se fait plus.
Un chercheur s’étonnera que la descendance de l’empereur ait essaimébien loin
quelque part en Floride. Ponce de Léon a eu un sort moins ingrat car, à Coral
Gables, l’aventurier espagnol en quête d’un bain de jouvence a bien sur remonté
ces allées encore incertaines tracées par la conquête. Mais, il suffit d’un
grain de sable pour que l’histoire s’écrie autrement.
Qui sait si Nahomy dans le cas de son aïeul ne sera pas ce grain
de sable. ?