DECEMBRE 07, 10
A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU
Les plus
belles des années d'Haïti ne sont plus celles
que l'on croyait.
1930, 1946,
1954, 1979, les années dites heureuses se distancent à un intervalle moyen de
15 ans. Cependant, entre les générations de ces années la, il n’y a pas grand
chose de commun. Celles de 1930 et de 1946 se ressemblent politiquement,
marquées l’une par le nationalisme et l’autre par l’authenticité et le besoin
d’ouverture sur le reste du monde. Au tournant de 1950, ces générations se
retrouvent happées par une américanisation balbutiante. Entre une France de
moins en moins détentrice du modèle de référence et une Haïti a la recherche
d’autres horizons, le mariage latin n’est plus qu’un mariage de raison. L’âge d’or
situe vers 1954 est déjà saupoudre de folklore tropical épicé a la sauce de la
magie vaudou qui fascine l’Amérique autant qu’Ava Gardner. Il y a déjà dans
l’Haïti de la fin des années 50 ce frémissement qui annonce les impatiences du
futur. Le glas sonne en 1957 des structures vermoulues du passé. Les pianos
Pleyel des bords de mer du Sud se taisent, parfois sous une poussière jaunâtre
et les toiles d’araignée.
Le clash des
années 60 dans une société déchirée
entre son passé et un futur incertain, enlève peut être le sommeil a
l’administration Kennedy sans ralentir pour autant la longue marche d’Haïti
vers les 52 Afriques dansant déjà les tambours de la self détermination pour
les dieux perdus de la foret malienne.
Duvalier est seul depuis Punta del Este a rassembler pierre sur pierre ce qui
deviendra son aéroport sur lequel il accueillera le Roi des Rois Hailé
Sélassié. Tout semble basculer sous les pieds d’une Europe fatigue par la
guerre, tandis que l’Amérique en plein guerre froide se définit comme le
grenier du monde, cela jusqu’a
l’écroulement du mur de Berlin. On pourra toujours se demander ce que Haïti a a
gagner à tenir la balance égale entre
l’Est et l’Ouest, c’était oublier que l’humanisme negre pouvait encore avoir un
mot à dire.
Et maintenant…
Depuis 1986, un
sentiment de renouveau et de lassitude s’est installe dans la société,
renforçant la perception que la précarité et l’impuissance continuent de
marquer non sans fatalisme les âmes et les esprits. Jamais, cependant on n’a été si proche de réinventer l’espérance
qui depuis les Grecs reste la principale consolation de l’espèce humaine. Mais,
pour ce faire, une certaine violence sur un certain passé incruste dans
l’inconscient collectif peut se révéler un passage oblige; car, Haïti ne peut
plus se laisser prendre a la gorge par ces fantômes qui se succèdent et se
survivent. Les années dites exaltantes ne sont pas arrives à se soustraire a
l’emprise de ces fantômes dont nous sommes malgré nous le jouet et les otages.
Le passé n’est utile que s’il apporte les ingrédients indispensables aux
édifices du futur. L’histoire ne peut plus être proustienne. L’histoire n’est
vraiment histoire que si elle débouche sur l’inédit et sur le renouveau. Il y a
eu Vertieres, mais il y a eu aussi la danse et le chant qui mènent au culte de
ce qui reste de divin en chacun de nous. Autrement dit, chacun de nous peut se
dépasser sur le plan individuel en sortant du passé collectif. A ce compte, de
belles années nous attendant.
La chance
d’Haïti n’est donc pas derrière, mais bel et bien devant elle.