...HAITI, 50 ANS PLUS TARD...
FRANTZ BATAILLE
l'oasis de jerry tardieu |
L’une des données de notre temps est l’américanisation avancée de la société haïtienne et de son mode de vie. Le rêve américain sert –il finalement de référence aux aspirations haïtiennes au bien être ? L’automobile, une maison de famille, l’éducation, l’épargne pour le college, les fonds de retraite, autant de paramètres qui donnent la mesure de la réussite matérielle. L’horizon haïtien se déplace d’Afrique et d’Europe en direction de l’Amérique. C’est l’horizon triangulaire en manière de réplique au voyage négrier triangulaire.
Le flux migratoire des années 60 a été le fer de lance de ces transformations.. Il est hors de doute que la révolution sociale inhérente à cette conquête des Etats Unis a opéré au delà des limites imaginables. Au Sud du Rio Grande, l’américanisation est bientôt une donnée de l’histoire. La consommation, la communication de masse, l’habitat, la dollarisation des économies périphériques, l’art, la musique rapt, tout porte désormais le sceau américain.
C’est peut être dans l’économie que Haïti se révèle tributaire de l’américanisation. Les ménages font leurs emplettes à Miami, quitte a les stocker en Haïti. Les avions ambulances, le « morgage », le flux croissant des produits comestibles achèvent d’américaniser Haïti, au risque d’éteindre le secteur agricole et de transformer le petit cultivateur en ouvrier saisonnier ou en personnel domestique dans les villes et bourgs haïtiens. D’ailleurs, le capital ne peut venir que des USA, qu’il soit monétaire ou technologique. Au bout du compte, la marge économique haïtienne se réduit comme une peau de chagrin. Le cacao, le café, le sisal, appartiennent comme a l’âge préhistorique ou épique d’Haïti. Le PNB s’évapore, la prostitution s’installe, l’instabilité institutionnelle et celle de l’état en découlent. Nées sous le signe de la négritude, les années 60, cinquante ans plus tard, achèvent de transformer Haïti en un satellite des USA. La diaspora n’est pas innocente à cette conquête. Aurait –il pu en être autrement ?
La chance d’Haïti, de l’avis des chercheurs, passera par les US. L’heure est donc venue pour sortir Haïti de son passe et de se propulser dans la modernité même au prix du viol d’une innocence restée insulaire, c’est ce que croyait d’ailleurs Jacques Barrios, l’auteur de Haïti De 1804 A Nos Jours. Les classes moyennes et les élites vont bientôt élaborer un nouveau contrat social qui n’aura plus rien du passe st domingois. C’est bien la fin de la société traditionnelle, aux yeux d’un Leslie Manigat. Une sorte de séisme psychologique s’est installée depuis des années dans les esprits et les mentalités, impliquant une véritable phase d’incubation aux conséquences inattendues. Il faut espérer que depuis le 12 janvier, Haïti est devenue un point de mire planétaire, ce qui fait d’elle une sorte de lieu géométrique de la globalisation. C’est sans doute avec ce douloureux contact entre Haïti et le globe que sortira la nouvelle identité haïtienne sans laquelle ce pays traumatise par l’histoire ne pourra jamais retrouver ni son âme ni ce qu’on appelle la seconde chance du futur.