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Friday, September 14, 2012

LA QUESTION HAITIENNE- Le passe est bien la clef du futur


La question haitienne, meme a ceux –la qui tentent d’en faire, comme une question situee en dehors du temps, par une sorte de fatalisme extra historique, continue malheureusement d’etre l’otage de l’histoire. La preuve, c’est qu’on a dit d’Haiti qu’elle etait emprisonnee par son passé. Cependant, par une sorte de paradoxe, jamais communaute n’a tenu son futur engage a ce point dans son passé.
Quand on regarde derriere soi, dans une sorte de survol du temps , on peut deplorer que au cours des deux siecles, (qu’on se plait a appeler parfois temps des baionnettes ou temps haitien,) Haiti ait rate sa revolution technologique bien que elle fut en contact quasi permanent avec les puissances auxquelles le 20 eme siècle doit son visage et ses conquetes. Nous etions condamnes a admirer ailleurs bien loin de nos rivages, ces cites de verre, ces locomotives, ces aeroports, ces autoroutes qui sont l’image ideale des pays developpes. L’Afrique du 21 eme ne peut trouver de reference, comme une bonne partie de la planete d’ailleurs, que dans le groupe du G 8 et meme du G21. Quant a Haiti, elle continue d’alimenter la mauvaise conscience du tiers monde et des pays du Nord selon laquelle la premiere republique noire du monde symbolisait l’incompetence congenitale, la mauvaise gouvernance, la faillite annoncee ,selon plus d’un, dans le code genetique des populations transplantees. Les Haitiens ont beau repeter que l’histoire etait la pour prouver le role de leurs tuteurs et de leurs modeles. Rien n’y fit. Haiti ne devait s’en prendre qu’a elle meme. L’histoire, poursuit-on, est bein le domaine du passé, meme si le passé n’est pas vraiment passé, selon W. Faulkner.
Quoi qu’il en soit, les conséquences attachees ou non a ce passé, sont telles qu’aujourd’hui force est de reconnaitre que le malaise social et la fragilite institutionnelle repesentent bien le prix a payer a des structures economiques, sociales, et mentales, scleroses . Le quotidien haitien est fait de morosite, de resignation a la limite du fatalisme. Le flottement des ames ,l’impuissance a decider du lendemain, le manqué de consistence des elites, sont la pour deconcerter les meilleurs. Tandis que les observateurs se demandent a quoi reve Haiti , d’autres s’interrogent: Quo Vadis , Haiti ? Ce sont bien des reflexions qui temoignent du grand malaise, comme si Haiti etait des le depart aux prises avec des forces que jamais elle n’arriverait a juguler.
Pourtant, deux siecles auparavant, dans un décor a la limite de l’epopee, Haiti se reclamait d’un messianisme liberateur a l’echelle du monde. Qu’on le voulut ou non, l’exemple d’Haaiti , tout contagieux qu’il fut, portait en lui meme sa dose de republicanisme et d’humanisme qui n’a pas fini d’etonner. C’etait assez pour que l’ivresse de la victoire alimentat alors les projets quasi evangiqieques de liberte et de peuplades a affranchir de l’esclavage. C’etait en meme temps assez pour un petit pays brule par la guerre et mis au ban des nations qui pretendaient hypocritement etre republicaines. Ce qui s’est passé depuis, au grand soulagement des societes dites eclairees, n’etait pas fait pour rassurer l’avenir. Haiti allait rentrer dans une phase de declin qui illustra bien qu’elle etait tout aussi bien mal partie.
Qu’est ce qui au depart mit comme un frein a cette jeune puissance montante? Personne ne s'est t jusqu’ici arrive a offrir une explication plausible a l’essoufflment de la longue marche des libertes . Toujours est –il cependant que, solitaire et solidaire, la cause haitienne detonnait dans un monde qui disait une chose et en faisait une autre. Le reste, on le connait. Haiti a longtemps porte un masque. Vue a travers un tel prisme, l’experience haitienne ne pouvait offrir meme le plus timide bonheur au plus obscur de ses concitoyens. Qu’est ce qui s’est finalement passé dans ce pays ou quelque chose d’inedit avait ete promis?
La reponse ne va pas tarder. Au debut de ce 21 eme siècle, l’heure de verite semble avoir bien sonne. Les Haitiens vont chercher dans les reliques de la legende et ce qui reste de leur epopee un stimulant capable de les aider a engager la bataille du futur. La premiere victoire de l’homme a toujours ete sur ce qui subsiste en lui de fragilite et d,incertitude.. Il y aura toujours la force brute pour s’attaquer aux citadelles, mais ce n’est que le regard que nous portons sur nous memes et notre conception de la vie et du futur qui livrera le fil conducteur face aux meandres et aux obstacles a contourner. C’est seulement a ce prix que nous pouvons relever ce que le futur renferme en lui meme de defis et de menaces

3 janiver 2011

LA QUESTION HAITIENNE - Le Vent du Large

Les juifs mis a part, il n’existe pas de people aussi porte a courir le monde que le peuple haitien. Il se fait pincer dans les aeroports de Londres, lorsqu’il n’est pas interpelle aux frontieres du Canada. Il se souvient confusement de ses departs d’Afrique, mais c’est a peine si la lecon ethiopienne et les longues siestes sous le baobab lui tiennent lieu de viatique dans un monde devenu houleux.
Aux premiers jours du 20 eme siècle, les departs haitiens vers Cuba disaient déjà que la famille avait eclate dans les jardins de la peninsule du Sud. Pourquoi ,s’est –on alors demande, le vent du large soufflait –t-il déjà dans nos villages livres au chant et a la danse ? On a oublie et on oublie toujours que, des le berceau, le ver etait dans le fruit; qu’en d’autres termes, ce que, dans son livre, le Paysan Haitien, Paul Moral appelle la precarite allait devenir une constante dans le quotidien haitien.
Precaite des ressources, precarite des styles de vie jusqu’a la precarite du reve,telle etait au depart la vie haitienne. Parce que l’horizon n’autorisait aucun espoir qui vaille,la seule issue restait l’emigration. D’abord,on ira a Cuba, et Santo Domingo, parce que plus pres de nous. Il en resultera une haitianisation de la mer caraibe qui se laisse a peine deviner. Oncontinue d’appeler conquete pacifique cette intrusion haitienne, que ce soit dans l’industrie du batiment a SD ou dans l’interieur des terres aux Bahamas.Mais, loin s’en faut, cette conquete n’avait cependant rien d’une conquete.
Une fois a la Desirade, non loin de la Guadeloupe et de ses eaux bleues, un etudiant en art de Vincennes avait objecte a des Haitiens d’une certaine aisance qu’ils n’etaient pas haitiens. Pour le convaincre, nos compatriotes durent sortir leurs passeports. L’etudiant n’avait vu que des haitiens chasses par la crise rurale. Ceux qui a la fin des annees 50 partirent pour l’etranger s’etaient déjà occidentalises. Ils etaient tout aussi bien chasses par la crise,mais ils etaient differents.
Cela dit, la question haitienne au tournant des annees 60, malgre le fait politique, restait encore une question migratoire, avec en dessous, l’epineuse rivalite des imperialismes opposant une France essoufflee a redefinir sa politique post coloniale a l’arrogance naissante des USA. Les elites haitiennes n’avaient pas oublie leur role a Savannah, mais elles verseront plus tard leur sang a la Marne. Si les annees 20 sonnerent en Haiti les adieux a la Marseillaise, 40 ans plus tard, ce sang coulera a la bataille de Saigon , preuve que Haiti, trop etroite pour ses ressortissants, cedait déjà a l’appel des grandes terres.
Placee dans une certiane perspective, Haiti aurait pu se demander si sa vocation consistait se promener au dela de ses frontieres ou si plutot le magnetisme de l’histoire etait tel que le passé devorait inexorablement l’avenir. A la fin des annees 80, on soulignait que Haiti avait quand meme trois cultures, mais une histoire. On peut toujours se demander si la culture pesait plus que l’histoire dans le “making” de la nation. Ces considerations prises en compte, ne faut-il pas fianlement donner raison a Roger Gaillard: Haiti est une terre ou l’on passe. Les derniers pianos se taisent déjà a St Cyr (Jacmel) et a Rochasse, (Jeremie), tandis que les etendards des Nations Unies claquent sur les hauts plateaux de Fond des Negres…
Alors, il reste le grand large,ses horizons perdus et ses incertitudes…il reste aussi la deroute des ames et la folie des hommes et des femmes qui ne reconnaissent point leur , un pays forge a Vertieres et lors de la desoccuaption. Les magazines des annees 2000 identifient partout la presence echevelee haitienne, a la recherche d’un pot au feu et d’un toit dans le monde. Les Haitiens sont en train de se creer une nouvelle identite aux depens de ce qu’ils sont ou de ce qu’ils devraient etre. Des modeles perissables naissent et meurent sans trop germer dans un humus déjà fragile. Une autre facon de dire que l’ame nationale, des annees après le reveil des annees 20, reste encore a creer, a raffermir et a orienter.


Date: Monday, January 3, 2011, 2:02 PM

LA QUESTION HAITIENNE - Puissance et Fragilite

Une amie architecte me parlait une fois non sans eloquence de la puissance et de la fragilite haitiennes

La puissance,precisait-elle, se referait a l'histoire. Vertieres, La Crete a Pierrot, la Revine a Coulevres, dans son esprit,representaient les temps forts de cette puissance en train de se faire. Personne n'a compris pourquoi les negres se battaient a ce point par les maitres du monde d'alors. Sortis de l'esclavage, les guerriers de ces temps epiques ne se le faisaient pas repeter.Il fallait vivre libres ou mourir. Les notions de liberte, d'independance, les valeurs republicaines qui reniaient les agissements de la France napoleionienne, pouvaient-elles avoir un sens pour ce monde ne a peine a l'humanite? Toujours est-il cependant, la victoire des forces indigenes, la gestion maladroite qui s'ensuiuivit dans un etat ne sous le signe de la precarite alimenterent ca et la la legende haitienne, la portant au niveau de mythes. C'en etait assez pour que Haiti, meme dans le brouillard des relations internationales, acquit une place a la fois enviable et discutable.

Ce n'etait pas la premiere fois que des pays liluputiens faisaient dans le reste du monde un bruit sans commune mesure non seulement avec leur taille, mais egalement avec ce qu'ils representaient comme entite dans un univers domine par la force. Sur le plan des parametreset des etalons traditionnels, Haiti ne representait pas grand chose. Parler de la puissance en ce qui concerne Haiti, c'est s'exposer au ridicule, si l'on veut. Mais, nous autres, nous savons qu'il existe bien une Haiti forte par sa capacite de resistance, sa resilience au fait.Les malheurs, l'esclavage et ses risques de deshumanisation ne sont pas arrives a rompre le precaire equilibre des ames ni leurs potentialites.. Il existe une capacite d'esperer qui porte l'empreinte du triomphe permanent de la vie. " Bon dieu bon " est une attitude percue comme beate et inutile, mais c'est aussi en meme temps un rendez vous avec l'energie universelle. A ce compte, l'attitude haitienne, parce qu'elle ne mene pas au suicide, celebre la vie belle et immuable dans sa permanence.Et c'est deja beaucoup.

Cette puissance, cependant, partage le meme lit avec la fragilite. Quand on parle de fragilite, nous evoquons bien sur la fragilite de nos ressources et dans un sens plus large la fragilite de la vie. Depuis plus d'un siecle, les Haitiens comprirent que l'avenir n'etait pas chez eux, mais de preference ailleurs, d'ou cette ruee sur Cuba, sur SD, puis sur l'Amerique.Nombreux sont les etrangers qui ont voue ce pays a une sorte de malediction, a commencer par les francais vaincus et les evangelistes qui se sont heurtes aux forces irrationnelles de l'instinct et du nationalisme primaire. La fragilite s'est illustree dans l'embargo periodique impose a ce peuple; elle se manifeste par le rejet de tout ce qui est haitien, preuve que les ames ne se sont nullepart enracinees.La deshaitisation est la marque la plus vive de cette fragilite.Elle infiltre la famille, la societe et la nation.

En termes plus concrets, la modernite semble etre le signe avant coureur de cette fragilisation du monde haitien. En 2011, un siecle apres le cri du president Antoine Simon contre les departs paysans, ce sont maintenant les elites qui ont pris la releve. Les familles haitiennes s'investissent corps,biens et ames, dans une Amerique conquerante, imposant partout le American way of life . Il existe cependant des possibilites de creer un monde haitien a partir de ce que nous sommes. Non pas qu'il faille jetter aux orties ce qu'il y a d'enviable ailleurs; mais, on ne peut construire que sur ce qui nous est propre. Apres avoir singe la France, puis l'Amerique, je pense que le moment est arrive pour nous d'etre soi meme sans se fermer aux autres. C'est la le prix a payer pour une vraie renaissance et c'est egalement la meilleure facon de se montrer au reste du monde, si on tient a l'enrichir sans nous appauvrir nous memes.

La puissance et la fragilite ont toujours cohabite dans le monde

14 Avril 2011

LA QUESTION HAITIENNE - Du sable, de la danse et de l'histoire

Il y a peut etre trois regions dans le monde ou la politique n’est plus ce qu’elle etait. Ce sont la peninsule arabe, Haiti et bientot le Bresil
Avant d’etre cette mosaique d’etats lies par le fanatisme et l’or noir, la peninsula arabe est d’abord une sorte de monastere ou le calendrier n’a rien a voir avec notre gestion plutot laique du temps. Plus qu’une culture, le monde arabe se caracterise par une soumission a la volonte de ses dieux nes comme la plupart d’entre eux dans des regions ou l’irrationel et l’imaginaire tiennent une place a part. C’est dans le desert arabe caracterise par l’immensite des sables ou naissent et meurent les mirages que Mahomet a eu sa revelation, laquelle, du Yemen a la Peninsule Iberique, communique aussi bien le frisson de l’aventure que celui de la conquete. Cette conquete est donc inseparable de la volonte supreme d’Allah qui l’a inspiree et l’inspire encore. Au moment ou le printemps arabe, selon la belle formule de Benoit Meshin,se reveille une fois de plus sur cette meme terre qui inspira a Lawrence les sept piliers de la sagesse, il est difficile de faire le depart entre les aspirations democratiques qui ont vu naitre et mourir une Jeanne d’Arc en Iran et les pulsions de l’integrisme arabe qui,dans cette peninsula, s’alimente a la source de la foi, celle –ci fut-elle meurtriere et destructrice comme on la connait en Amerique et dans le reste du monde occidental .
Ce printemps arabe est bien le printemps de la foi, signe vivant de cette crise de l’Islam sise a mi-chemin entre des aspirations nebuleuses au changement et sa vocation guerriere qui, tout au long de l’histoire, a donne a la chevauchee arabe les couleurs que l’on sait. Cette crise porte a la fois le sceau de la vie et celui de la mort, entremelant religion et politique dans ce curieux dosagedu fondamentalisme qui couta la vie a Sadate en 1981. Dans le monde arabe, la politique est bien voisine de la foi donc du fanatisme, meme a l’heure ou cette peninsule tente de sortir de son propre moyen age.
Mais, si bien loin, sur les bords de cette Mediterranee consideree comme une region d’epanouissement des civilisations Greco-romaines , l’on continue a se battre, a danser et a tuer au nom de Dieu, en Haiti c’est le contraire qui prevaut. La danse du nouveau president haitien, controverse mais repondant a cet elan vital qui rend si speciale la misere et la pauvrete haitienne, n’a rien a voir avec les guerres saintes de l’histoire d’Haiti, datant des annees anterieures a l’independence. Le fait que Haiti continue a chanter et a danser meme au plus sombre de l’histoire trahit une vitalite qui annonce le triomphe et les celebrations de la vie, pour parler comme Rene Dubos. La politique meme la plus cynique reste impuissante devant ces forces instinctives du jaillissment de la vie . Cette joie de vivre essentiellement apolitique a son poids dans les lendemains qui se preparent pour Haiti meme quand les pontes du Clerge Breton disaient le contraire,pres de 50 ans auparavant. En fait, contrairement aux recettes pour la croissance et les arguties tournant autour du PNB, la joie de vivre, en creant l’illusion du bien-etre, a montre qu’il y a une maniere d’etre heureux . A croire qu’il existe egalement les dieux de la danse et de la transe.
Alors, entre les pays du minaret ou, a la tombee du jour, on appelle a la priere, replique musulmane de l’Angelus de Millet, et ceux ou chaque crepuscule est une invitation aux fetes des sens et de la vie, il y a de la place pour un dieu qui n’est pas celui de la mort et du fanatisme. Parce qu’ils ont leurs moeurs adoucies par la magie de l’art, les peoples qui dansent dansent beaucoup plus au nom de ce qui nait qu'au nom de ce qui tue. L’espoir du peuple haitien reside donc dans son sens irremediable du rythme et son culte de la joie. Une ferveur paienne est-on tente de dire, mais Dieu se sent et ne s’impose pas. C’est ce qui fait de la culture negre non pas une culture superieure, mais simplement une culture differente, qui continue de faire encore la difference.
Quant au Bresil, un sous continent marque du sceau de la demesure, et en meme temps terre de la samba,il fait déjà partie de ces pays du BRIC, le prochain defi americain. Mais, parce sortis malgre eux et sans le savoir du schema froid des organisations internationales, les bresiliens preparent plus qu’une revolution raciale. En creant ce monstre de la diversite epidermique dans ce sous continent,, ou le rythme a sa grace et la beaute son rythme , une symbiose jusqu'ici inedite, e Portugal colonialiste a libere des forces inattendues qui colorent et orientent l’histoire. Nul doute que l’art et la vie prendront le dessus meme quand les inegalites banalisent la mort et le quotidien. Il y a trop d’effervescence vitale au Bresil pour que le fanatisme soit un corollaire de l’injustice. Le chant et la danse sont devenus avec le temps notre meileur bouclier dans un monde devenu incertain et imprevisible .
Signes que l’histoire peut encore s’ecrire differemment.

Frantz Bataille,
North Miami Beach,
Avril 2011