DEVINE QUI VIENT DINER
Cet après-midi-là,
sur Kurfurstendamm, ce quartier très huppé et couru de Berlin, à cause peut être
des perspectives qu’il offre sur des constructions datant de la guerre ou
surtout à cause de cette nouvelle fièvre
du renouveau battant son tempo dans
cette Allemagne de légende, je m’ennuyais à attendre Nadjela, cette pétillante
haitiano allemande avec laquelle je m’étais promis de faire la fête
L’été était
à ses débuts, avec un ciel nuageux et parfois lourd. Les heures se succédaient à
Reinhard's, ce restaurant café où allemands et visiteurs aiment s’asseoir, sirotant
leur café ou buvant ces gros pots de bière, en regardant nonchalamment les gens qui passent . Il faisait
bon attendre, une attente est quand même une espérance et cela exalte. J’ai
donc attendu, une heure, puis deux, et Nadjela n’était toujours pas là.
Un autre visiteur
que je n’attendais point est venu s’asseoir avec légèreté et presque de la souplesse à ma table. Il est de ces
impromptus qui vous laissent ébahi, tant il y rentre ce ravissement qui désarme. Kurfurstendamm est le quartier de
l’élégance et un tant soit peu VIP. Il y défile à tout instant un monde chic et
très cosmopolite. Un café a Reinhard's, ça vaut quand même la peine !
Mon visiteur était
de ce monde dont la grâce suffit. Je n’ai pas posé de question, il est resté très
peu à ma table, le temps de faire un
bref coup d’œil et de repartir de manière tout aussi impromptue. La jeunesse a
de ces coups de tête.
Nadella n’était pas
toujours là. En vain, je scrutais des yeux la foule qui dansait comme au
printemps, l’attente est un supplice, pensais- je. Une autre tasse de café n’eut
point la vertu de vaincre le temps. Heureusement que le visiteur intrigant vint
encore à ma table, apportant comme un espoir de ciel bleu ; entre cet
intrus et moi, peut-être y avait-il
correspondance à la Baudelaire, je ne suis pas tout à fait seul ; Nadjela
pouvait continuer à me planter, tout visiteur est un espoir de vie.
Cette fois ci, il
est resté plus longtemps, fouinant par- ci par- là, avec des yeux espiègles et
un sans gêne notoire, touchant à tout à ma table. Nadjela aurait eu plus de
retenue. Il a alors fait du regard le tour de toute chose, s’apitoyant
peut être sur ce mauvais tour qu’on m’a fait. Nadjela n’est point venue diner;
il y a des filles comme ça.
Tout maladroit et sans retenue qu’il fut, j’ai
compris que mon visiteur a voulu mettre
un baume somewhere, car je le suivais
des yeux, dans son va et vient
sympathique et familier. Alors, à la fin, il m’a regardé comme pour me dire :
cela arrive, avant de s’envoler pour
une autre destination.
Alors, Devine
qui vient diner, en lieu et place de Nadjela :
Un oiseau sur
Kurfurstendamm.