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Saturday, September 15, 2012

LA QUESTION HAITIENNE
LA FIESTA DEL CHIVO
Parce que au commencement était la parole, il y a des mots et des livres qui sacrifient toute une époque, tout un pan de l’histoire en la réduisant rien qu’à ces épisodes qui plaisent à un public hélas naïf et paresseux. Ce public, lui, se livre non sans complaisance  à ce jeu de théâtre. Mais, au fond, même quand la presse manipulatrice  pousse l’opinion publique à choisir ce qui reste du menu, en fait, ce  réchauffé que l’on sert à ces voyageurs épuises qui arrivent au p’tit matin, on sent que derrière le pouvoir des mots, il y a un tant soit peu de substance, et pas forcément  le pire.

La Fiesta del Chivo du romancier péruvien Mario Vargas LLosa condense la era de Trujillo dans les manœuvres de palais qui précèdent l’assassinat du chef dominicain. L’intrigue est conduite de main de maitre, invitant le lecteur  à aller jusqu'à la dernière page. Trujillo est décrit comme ces personnages des tropiques qui vivent leur quotidien en faisant des libations aux dieux de la fête : rhum, danse et musique. Les femmes, l’argent et le pouvoir couronnent bien sur ces bacchanales  sauf que ces délices dignes de  Capoue ne mènent nulle part, parce que, faute d’être institutionnalisée, la vie dominicaine, au temps du Chivo, se déroule dans un décor de sang et de violence qui hantera jusqu'à la fin, ce que trujillistes et opposants appellent  la era de Trujillo.

Trujillo n’a pas moins marqué son temps. Le romancier à vouloir imiter l’historien, fait un tort immense à une époque qui mérite d’être mieux connue. Ces remarques valent tout aussi bien pour les Comédiens de Graham Green, livre très caricatural pour Papa Doc. Si l’histoire s’acharne à reconstituer la vérité, cette tache prométhéenne, qui ne s’arrête qu’à l’a peu prés, le roman est par définition un débordement d’imagination qui embellit et enlaidit en même temps le paysage, toujours  aux dépens de la vérité.

La Fiesta Del Chio éclaire néanmoins  sur la réalité de ce temps dominicain. Néron aurait et a en fait prêté sa tunique aux trujillistes, entrepreneurs  portés à l’esprit clanique, mais avides  en même temps d’honneurs et de cette bénédiction que les latino et antillais attendent des métropoles, sorte de paradis perdu alimentant toutes les nostalgies…C’est en fait bien une fiesta où tout le monde trouvera son compte, fonctionnaires qui doivent leur position au Chivo, mais également opposants et finalement les requins de Boca Chica qui se nourrissent dans leurs eaux de cet excès de sang qu’ils attendent au pied des falaises.


Mais, la Fiesta prend toute une autre perspective quand Angelita Trujillo raconte l’histoire de son père et du pays dans lequel elle a grandi. Témoin inattendu et privilégié, ayant vécu les choses du dedans, son ton se rapprochera plus de la verite, même si c’est sa verite à elle. La  oùù le romancier péruvien voit la violence et les scènes sanglantes de Johnny Abbes Garcia, le chef du SIN, service d’intelligence nationale, Angelita voit un père aimant, plein de prévenances  pour les petits enfants. 50 ans plus tard, les voix intimes de la « era de Trujillo »se lèvent, notamment celle de la « nieta » del Chivo, la fille de Ramfils, qui elle s’engage avec moins de passion à revoir cette période qui divise encore les dominicains.

Le Chivo n’est finalement pas mort. L’histoire prend toujours sa revanche sur le romanesque.

13 Aout 2012, Miami