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Sunday, November 10, 2013

Mme LUCIENNE H. ESTIME


Femme de President...




Née en 1911 et de onze  ans la cadette de son mari,  Lucienne Heurtelou est une frêle et délicate jeune fille, retranchée derrière les rideaux et persiennes de famille lorsque Dumarsais Estime demanda et obtint sa main pour des noces que Stenio  Vincent conduisit à la chapelle de ce palais construit pour une certaine aristocratie dans les années 20. Il  y eut dans cette union bénie à la fois de Dieu et de César  comme l’onction du temporel et du spirituel.  Les destins ne se laisseront  pas prendre au dépourvu. En  1946, Stenio  Vincent pouvait encore  méditer sur la vanité des choses humaines dans sa retraite de PV, mais au palais,  la  vague qui monte n’a rien à voir avec l’ordre instauré au départ par l’occupant. Le président Estimé, protocole oblige, sacrifiait aux mondanites et à un  monde connu pour  ses sourires métalliques, mais, sur les marches du palais, massés comme au pied des idoles païens, des milliers d’affamés attendaient un miracle que l’on croit etre  dans la nature du pouvoir .  Qu’allons nous faire pour eux, s’effondra  en sanglots le président élu ? Larmes qu’une  délicate épouse épongea. Ne pouvant répondre aux attentes individuelles, Estime tenta d’offrir un rêve et une vision  à l’ensemble de la nation.


Il  s’attaqua  d’abord au paysage dans l’espoir que demain les jeunes trouveraient    un socle à leurs  nostalgies, un cadre  à leurs rêveries,  et  un climat à leurs évasions.   Il le fit sur ce front de mer de la basse ville, là où depuis toujours, les navires venus de loin amenaient soit les autorités  de St Domingue, et  avec  les filles et les mauvais garçons de  Paris, soit leur cargaison de nègres. Fort Saint Clair et la Croix des Bossales, milieux réputés interlopes,  recevaient  tout ce qu’il  y avait de distinction  mais aussi le troupeau sans cesse grandissant  des hommes aux couleurs de la nuit. Aux fêtes du Bicentenaire,  un coup de balai unique  fit basculer ce mélange dans la poubelle de l’histoire. Aux bras de son épouse, Estime fit quelque chose qui tient à la fois du miracle et du mirage. Il fit surgir des fontaines, des espaces verts et des constructions  battant pavillons étrangers. Ce devait être aussi bien une invitation à la beauté  qu’une réponse au reste du monde.  Les témoins racontent encore  que ce fut incroyable.


Il est indéniable que la gloire de son illustre époux rejaillit sur cette femme née peut être  une cuillère à la bouche  et que rien ne prédisposait à ces choix prolétariens qui ajoutent une auréole posthume au paysan des Verrettes, expression chère au vocabulaire duvaliérien. Mme Estimé eut alors le privilège d’assister et de participer à  cette renaissance haïtienne faite de béton et de verre dans un  quartier  où l’histoire semble ne pas vouloir mourir. Imaginez.  Plus d’un siècle auparavant, la où les colons inquiets des troubles de St  Domingue partaient avec leurs esclaves  à destination de Cuba ou de la Nouvelle Orléans,  la volonté d’un homme d’état tentait de montrer qu’il n ‘y avait pas que la bête chez  l’esclave et chez ses descendants. L’apothéose , même dans la déchéance, reste une dimension à la portée de l’homme, fût-il noir ou  jaune, blanc ou rouge.  En 1949, la première dame se trouvait être  partie prenante d’un rêve qui était plus grand que la vie.


Plus qu’une affaire de famille

Mais,  la  gloire n’est pas seulement le deuil  éclatant du bonheur, elle  suit   également un cycle solaire,  c'est-à-dire qu’elle se lève et se couche pour tout dire. Le rideau était a peine tiré sur les festivités du Bicentenaire que les militaires firent comprendre à Estime que rien n’était sur à Port-au-Prince, que pour avoir perdu le contrôle de la situation, il savait ce qu’il lui  restait à faire.  Isolé dans son palais, le président ne se le fit pas répéter deux fois. En apprenant la nouvelle, Adeline Heurtelou qui se trouvait être la secrétaire et la sœur de la première dame, eut le souffle coupé. Dans l’après midi, tout était fini. Mme Estimé se souvient de ces dos épais de ces hommes en kaki qui mirent fin à cette exaltante expérience du pouvoir. Mais, il en a toujours été ainsi de toute fin  de règne.

Une énigme qui commence à peine à se dissiper devait restée attachée  à cette époque. Le colonel Paul E. Magloire  à qui l’on prête l’initiative de ce pronunciamiento s’en défend  avec  une grâce bon enfant .  Mais, les  traditions notamment orales  ont la vie dure. Mme Estime se gardera bien de se retrouver  face à face avec le tombeur de son mari, même lors des funérailles grandioses que fit à l’ex président le colonel à l’air de plus en plus christophien. Mme Estimé, qui ne suivit pas le cercueil du disparu,  se barricada derrière une dignité impériale et une suffisance que l’on trouvera  longtemps après de bon goût. Cependant, elle fut honnête et conséquente à elle-même, quand, en aparté, elle innocenta le colonel Magloire dans la mort de son mari que la rumeur publique tint  pour mort d’empoisonnement . «  Mon mari est mort d’urémie » soulignait-t-elle. Le président Estimé ne se faisait non plus aucune illusion sur son sort. «  Je suis un cancéreux » confiait –il une fois à Julio Jn P. Audain, l’auteur des  Ombres d’une politique néfaste.

La méfiance de l’ex-presmiere dame  à l’encontre des militaires ne disparut pas pour autant.  Les conversations de famille en sont un témoignage vivant.  Selon une version très controversée du coup d’état de mai 1950, épié et piégé dans son palais, Estime aurait cédé à la menace d’un canon de pistolet que lui colla à la tempe le lt Philippe Dominique, allié aux Heurtelou.  Philippe Dominique qui viendra mourir aux Casernes Dessalines, le 29 juillet 1958 constituait déjà avec Alix Pasquet le noyau des officiers acquis à l’étoile montante du Nord qui n’était autre que  Paul Magloire. Pour avoir joué ce rôle, aux dires de Luco Dominique,  marié à Adeline Heurtelou,  Phito Dominique s’était un peu  aliéné l’estime de ce monde.

Philippe Dominique, un des frères du flamboyant Jean Dominique assassiné sous le gouvernement Lavalas en avril 2003 était un soldat qui, par définition, ne se connaît pas aux choses  de la politique. Eût-il  appliqué son pistolet à la tête du président qu’il aurait été encore dans le devoir. Mais, la république des familles ne l’entend pas ainsi. On peut dire aujourd’hui que le coup contre l’homme des Verretes dépassait le cadre des relations   de famille, car il était dans l’esprit du temps. La conspiration était même  dans l’air. En 1949, un tiers de la garde conspirait, selon David Nicholls, historien britannique, et avec la garde, l’église catholique  et la bourgeoisie. L’évêque des Gonaives, qui se touvait etre le plus jeune eveque du monde, Mgr Robert,  donnera le ton en recevant Paul E. Magloire alors en tournée dans l’Artibonite. «  Donnez –nous, Seigneur, déclara le prélat, des hommes de justice et de vérité ».


 Mais, Estimé n’était pas loin  d’être cet homme –là.. 

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