JCD M'A DIT : MON PÈRE ET MOI | |
Dr. Frantz Bataille/ |
Angelita Trujillo n’a jamais aimé autantson père qu’en cette nuit du 30 mai 1961. “ Papa, reste avec nous,il est déjà assez tard", raconte-t-elle cinquante ans plus tard. Mais le Benefactor Rafael L. Trujillo y Molina, avait bien autre chose à faire,répondre sans doute a un rendez-vous galant ou autre. Au fait, la mort l’attendait déjà sur Washington Ave, non loin du fameux El Malecón. Depuis cette última noche, Angelita, sa fille au nom mystico religieux, Maria de los Angeles del Sacrado Corazón de Jésus, ne reverra jamais un père qui était au fond toute tendresse. C'était un amour de père. Cinquante ans plus tard, une des voix les plus intimes de la familleet de l’ère Trujillo se lève pour dire l’histoire. Ces mémoires de Angelita,la fille chériedu Jefe qui a d’ailleurs un yacht a son nom,risquent de faire boule de neige dans cette Caraïbe encore impatiente de retrouverson identité. Il y a comme un sentiment de frustration filiale quand les survivants s’efforcent à témoigner pour les disparus.Fidel Castro parle longuement de son enfance avec une(nanny) nounou haïtienne à Ignacio Ramonet du Monde Diplomatique. Plus sagement, du côté haïtien,c’est le fils de François Duvalier, Jean Duvalier, qui, un matin de 2010,sur les 6 heures, devaitnon sans émotion remuer les cendres apparemment encore tièdes de 1971, à la mort de celui que l’histoire au niveau mondial tente de voir sous un autre jour. Les américains, en premier, reconnaissent au moins que dans leur arrière-cour, l’ancien boursier en Sante publique de l’université Ann Arbor, Michigan, a su tenir son pays dans le camp des sociétés dites libres. L’été 1958 “Ce n’est que pas que mon père ignorât les menaces hémisphériques, avance JDC; mais, il avait signé un pacte avec Fidel Castro, un pacte de non-agression que les deux hommes surent respecter ”.D’ ailleurs, malgré le vote pro-américain d’Haïti a Punta del Este, Montevideo, en 1962, l’Haïti de François Duvalier était relativement absorbé par sespropres luttes internes, pour se lancer dans une aventure qui au bout du compte ne mettrait en péril que d’abordCuba, puis la région Caraïbe et le sous-continent américain. Avare de mots, Jean Claude Duvalier se prépare à présenter à l’opinion publique haïtienne, puis au reste du monde, l’ Afrique en particulier, une version inédite de l’histoire si controversée de cemiracle quand mêmeréussi, quoi qu’on puisse dire et penserde la première République noire du monde. Il se souvient des années 50, de sa querelle chez Mme Durocher avec un camarade de son âge, qui était un peu trop taquin. La querelle se termina par une bagarre, vite contenue; la maitresse de la classe était quand même avisée. À la fin de ces années-là, enjuillet1958, pour être précis,les coups de feu du capitaine Alix Pasquet le réveillèrent en pleine nuit. Le voici alors rampant de la salle de garde à la rue adjacente pour, à la demande de son père, se réfugier chez le major Pierre Merceron, faisant lui aussi le coup de feu aux cotes du général Maurice Flambert et du ministreFrédéric Duvigneau. L’été 1958 était un des plus chauds. Mais, 1963 seraautrementterrible. « Mon père savait tout », trente minutes après que Kennedy eut décidé d’envoyer ses marines en Haïti. Les services de renseignement de Papa Doc étaient les mieux huiles du monde: Français, Américains, Italiens, Russes, tout le monde dansait le bal de la république vodou, question d’arrondir les fins de mois. Et Duvalier ne lésinait pas. JFK recule Alors, poursuit JCD, au printemps de 1963, mon père savait, bien avant les hostilités d’avril, que l’état-major préparait sa perte et que le Lieutenant-colonel Lionel Honorat devait à la Sadate en finir une fois pour toutes avec le gouvernement, à la Tribune du Champ de mars. C’était quand même fort, mais, la garde présidentielle défila ce matin-là, sur les ordres du major Claude Raymond, 28 ans,en tenue de combat. Le col. Honorat refugie à l’ambassade du Brésil, en parlaittrès peu, terre depuis des annéesnon loin des chutes du Niagara, dans ceBuffalo, qu’il ne quittera plus, dit-on.Ces souvenirs qui tissent la mémoire du fils de Papa Doc gardent malgré leur fond de violence larvée un peu de cette nostalgie de ces années 60, qui s’achèvent avec le départ de De Gaulle et la quasi déification des Beatles de Liverpool. La politique et l’art se juxtaposent encore de nos jours. Mais, en 1963, en pleine guerre froide, la danse était loin d’être ce qu’elle était. F. Duvalier était, se souvient JCD, austère et prêt au sacrifice suprême. La Flotte deKennedy baptisee Flotte Amphibie Atlantique, croisant, toute menaçantederrière lasilhouette couchée de l’ile de la Gonâve, Duvalier réunit sa famille et lui fit jurersur la bible que tout le monde avait à mourir au palais, au cas où les marines débarqueraient. Kennedy a-t-ilcompris? Ilfit reculer en tout casses destroyers et le porte-avions Boxer qui fera en 1965 le siège d’un Santo Domingo ronge par la guerre civile.Personne n’a compris le retrait de JFK des eaux territoriales haïtiennes, ni la grogne des services secrets américains méfiants depuis la baie des cochons de toute aventure armée dans la Méditerrané américaine. Vers 1883, soixante ans avant l’année de tous les périls, tels que soulignes parLamartinere Honorat, la rue des Fronts forts était perçuecomme le Carthage du parti libéral en pleine Rome salomonienne. François Duvalier hante par les fantômes de St Domingue comprit le parti qu’il devait choisir face à la malédiction laissée parlegénéralfrançais, Marie Joseph Gabriel Théodore, comte de Hédouville. Passe ces années de feu et de self-défense duvaliéristes, JCD inaugure son règne en jetant du lest. “ Les larmes me venaient aux yeux, lorsque mon père m’a dit: bonne chance, mon fils ». On est déjà en 1971. Gérard de Catalogne n’est plus à San Francisco signant avec Gérard Lescot, le chancelier d’alors, la Charte des Nations Unies naissantes, mais au palais national assistant a une passation qui tient étrangement a la fois de la monarchie et des institutions républicaines. DivinDartigue Ces pages promises à un public jusqu’ici mince, pas mal de maisons d’Édition américaines les attend non sans cette impatience d’hommes d’affaires prompts à sucer la pointe de leurs stylos.Jean C.Duvalier a demandé d’attendre. Des courriels, des appels téléphoniques, des possibilités de financement. Pensez-y, Papa Doc par personne d’autre que son fils. L’Afrique noire, si reconnaissante a un François Duvalier qui depuis 1920, parle d’uneAfrique mythique, telle qu’on la sent chez l'écrivain guinéen Camara Laye, auteur du roman: Le Regard du Roi voudrait bienen savoir davantage. Et puis, il y a Franco et de Gaulle, précise le fils de François Duvalier. L'Europe de ces temps aime les pouvoirs forts. La guerre d’Espagne, la guerre d'Algérie n'ont pas laisséque des roses. F. Duvalier le savait tout comme Francisco Franco qui admirait le caudillo noir. Alors, JCD a une tache qui est autrement gigantesque. Dire les choses en tant que premier témoin et par la suite en tant que principal acteur. Les mémorialistes, nous le savons,excellent dans l’art du parti pris.Il n’est pas sûr que JCD puisseéchapper à la règle. Récemment, il a adjure Bernard Dietrich, le reporter du Timesmagazine, qui a pris parti et femme en Haïti, de revoir les 250 erreurs jetées pèle mêle dans son livre, L'héritier. Dietrich passa outre. L’histoire reste vraiment la science de l’a peu près. Cela dit, voyons JCD dans ses rapports avec le quotidien et son appréciation des hommes qui l’ont servi. Il trouve à Lebert Jean Pierre beaucoup de pragmatisme. Le parler nasillard d’un Édouard Francisque accrochait et accroche encore. Le ministre Emmanuel Bros, discret et compétent,se passe de présentation. M. Mirambeau était réputé honnête. Le florentin Herve Boyer faisait souffler sur les cabinets une touche bien européenne, mais,JM Lefranc, très ancien haïtien,incarnait jusqu’aux os avec l’intraitable Felix Diambois,la probité. Du règne trop controversed’ElieLescot, il se souvient de l’engagement sacrosaint d’un grand ministre de l’éducationqui s’appelle Maurice Dartigue. Sur le plan des relations internationales, une chose le choquait; la propension maladive des grandes puissances à vouloir régenter les faits et gestes de la république nègre des Amériques. L’affaire des avions en est l’une des plus éloquentes illustrations. L’Italie Heureuse Aimait –il les avions? Sans doute. En tout cas suffisamment pour placer une commande en Italiefinancée par les fonds de la Teleco. Il s’ ouvrit de son projeta son ministre Marc Bazin qui, le ton professoral, lui fit remarquer: « Bien,Mr le président, vous savez, le FMI entend avoir l’œil ouvert sur les dépenses. Bo, je verrai ».22 jours, plus tard, le président revint à la charge et buta contre un ministre encoredoctoral et un peu pontifiant. Bazin trainait décidémentles pieds. A contre- cœur, leprésident dut se résigner à faire un emprunt de 500 mille dollars au Bord de mer, emprunt qui sera rembourse a raison de 50.000 dollars par mois. Les avions arrivèrent finalementen pièces détachées, car les Américains s’y opposaient. Des pilotes furent envoyes et formés en Italie, làoù il a connu des vacances si agréables qu’il garde une nostalgie de la beauté somalienne et voici la petite flotte aérienne dans le ciel d’Haïti qu’en 1994 le président Bill Clinton voulait remplir de ses parachutistes, comme il le raconte lui-même dans son livre: My Life. Bref, l’histoire s’est accélérée depuis la fin des années 70. En 1979, ce fut aux dires des américains, l’age d’or d’Haïti. Les classes et les couleurs cohabitaient en harmonie,soutient JCD. Et ce sont encore les Américains qui écrivirent qu’a la mort de François Duvalier “ Haïti était fière”. Rappelons que cette Amérique n’avait pas comme représentants que des Bourik Chaje du temps de Prosper Avril. Howard Hisham reste aux yeux de l’héritier de Bernard Dietrich, le plus grand des ambassadeurs Américains, du moins de son temps. Cette publication, Mon Père et Moi, (c’est entre plusieurs l’un des titres retenus) a une histoire très brève. Depuis plus de 30 ans, les étrangers se sont spécialisés dans l’histoire des Duvalier en Haïti. Bernard Dietrich, l’enfant terrible du Times magazine, prétend emporter la palme, mais le Dr Rony Gilot (Duvalier, Le mal Aimé) s’est penché avec une patience toute chirurgicale sur la vie de François Duvalier et le règne de son fils en privilégiant le détail pittoresque a l’ensemble. L’arbre n’est pas arrivé cette fois à cacher la forêt. Mr. Anthony G. Pierre oppose sans lendemain le tyran au titan que fut Duvalier. Le colonel Francis Charles est tombé dans le piège de la garde prétorienne déçue,son livre manque de souffle, et c’est malheureux pour un telofficier place en première loge. Maintenant, l’histoire vue par ceux qui la fontet qui en souffrent quand ils n’en meurentpas, veut sortir du vestiaire. Une façon d’éviter ce que l’on appellela poubelle de l’histoire. Le ton promet d’être personnel. “ Je me sens si bien parmi les paysans de l’Artibonite… Le palais quelquefois étouffe…On a besoin de grands espaces.” L’ancien président nous fait partager ses gouts et ses penchants pour le pays profond. “ J’ai toujours l’impression que je me dois au pays” continue-t-il. C’est peut-être a cause del’éducation que j’ai reçue, conclut –t-il. The Innocent Years Cela dit, voici bien un second titre qui plairait aux américains et à la diaspora haïtienne et qui laisse encore songeur le fils de François Duvalier. Certes, il nous est arrivé de discourirsur l’impact qu’un tel titre aurait, d’autant que la presse mondiale, à commencer par la BBC de Londres souhaite réhabiliter ceux-là que la presse à détruits. En fait d’innocence, les années 70 prolongent le flou émotionnel des années 60. En Europe et auxUSA, c’étaient les Beatles, mais en Haïti, les Copains de Boulot Valcourt et du Dr Aldy Castor, et plus tard,les Fantaisistes et les Shleu Shleu créaientune sorte de mai 68 tropical dont la jeunesse n’est pas sortie même au prix des expériences psychédéliques. François Duvalier n’entendait rien à cette vague de modernismea la limite du suicide culturel, parce qu’il avaità sortir d’un esclavage résiduel les enfants de Sonthonax. JCD, en se montrant plus tolérant, question de maquillage international, passe pour avoir ouvert la boite de Pandore. Le reste, c’est de l’histoire vécue et connue. Il se souvient d’un Richard Burton embarrassé, mais qu’il reçoitsans évoquer le tournage des Comédiens. Aristote Onassis luiparait encoreminé par la mort de son fils tombe du ciel comme Icare et John Kennedy jr, le fils de Jackie et de JFK. Il fit prendre à sa descente d’avion le chef des services secrets dominicains qui le salue militairement en lui montrant lebracelet offert par PapaDoc à son fils Alejandro, peut-être en 1963. Les services secrets dominicains n’étaient plus hostiles dans les années 70. Balaguer a montré même en anti haïtien qu’il y avait des chances de succès, sià l’Ouest, le gouvernail étaittenu de main de maitre. Désillusions et Mea Culpa Il sera difficile de cerner l’ensemble de cette histoire quasi trentenaire. Le mérite d’une telle enterprise aura étéd’écouter l’histoire par ceux-là qui l’ont fait et souffert. “ Il nous restait très peu d’alternative vers 1983, pour passer outre l’abattage des porcs. Le pays aurait été mis en quarantaine.” La visite du général Vernon Walters que l’ex président admire pour sa maestria en matière de communication n’avait rien d’innocent. Ce général, figure emblématique de la droite américaine et coordonnateur de l’opération Condor qui emporta Salvador Allende en 1973 au Chili, allait peut être a la messe tous les matins. Il passait pour être le sabre du Pape Jean Paul II, en passe d’être canonisé. Le pape Jean Paul II a au moins le couragede demander pardon au président pour ses mots fatidiques: Il faut que quelque chose change ici. “ Le pape, précise le président, a voulu inviter les élites à changer d’attitude enversles humbles. Le Dr Roger Lafontant a-t-il demandé au président d’inviter le pape à partir après ces paroles ambiguës? “ C’est faux, trancha le président. Haïti, depuis Sténio Vincent, reste le souffre-douleur des arrogances continentales. C’est le sort des petits pays, soupire le Président Sténio Vincent. Mais, après Papa Doc que les américains n’aimaient pas, le fils avait hérité de cette aura du père ombrageux quand il s’agit des prérogatives de la première république noire du monde. Le Shah d’Iran a voulu prendre refuge chez nous, convaincue que sa sécurité ne ferait pas de vagues. Tout était fin prêt. Hélas! Mais, les débuts de l’affrontement Israélo –arabe en pleine caraïbe firent douter de la sécuritéd’un tel refuge. Pour finir, en février 1986, “ j’étais fatigué et dégouté…l’information manquait, et on ne gouverne pas sans être au courant de ce qui de passe autour de soi. “ Ce matin-là, j’avais auprès de moile ministre Adrien Raymond, au moment de rentrer dans l’ascenseur. Toutse passa sans heurt.’’ Le président n’a fait d’adieux de Fontainebleau. Pensait-il déjà aux grands revirements de l’histoire? De toute manière, cesmémoires sontdes plus attendues. |
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