HISTOIRE
Par Frantz Bataille
ussi loin que je remonte dans le temps, mes souvenirs en
ces années 50 déjà si volatiles embrassent comme dans une vaste et épique
série ce spectacle infini des fins de semaine, ces week end si pétillants dans
la magie du Bicentenaire d'Estime. Ceux qui ont connu cette époque, à commencer
par le général Paul. E. Magloire se rappellent ces soirées interminables
dans un Pt-au-Prince que le monde extérieur semblait impatient de
découvrir. Ailleurs, la guerre était finie. Pour cette Haïti maudite, à compter
de Magic Island de William Seabrook, le monde ne serait plus le même.
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Le general Paul E. Magloire |
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Le chancelier Leon Laleau |
L'occupation de 1915, dans l'esprit du public, passe pour
avoir introduit Haïti dans la modernité. Les généraux du temps des Baïonnettes
s'étaient retirés sur leurs terres, impuissants face au retour des blancs. Me Georges Rigaud, enfant, se souvient d’un général
emplumé qui était venu tout peureux se
faire payer son retour dans ses pénates, après avoir perquisitionné quelques jours auparavant avec mesure la
maison Rigaud. Un curé à la plume amusée selon Roger Gaillard, assiste à la
mise à pied d’un commandant qui, hier encore, régentait le quotidien de ses
sujets. Dans l’arrière pays de Miragoane, le général Bébé enfouait presque sous
terre ses vêtements militaires, son bicorne ayant survécu au naufrage du temps.
Personne n’a cru cet après midi du 28 juillet 1915 que les temps haïtiens
avaient vécu. Le capitaine George Van Orden avait remonté l’allée qui mène à la capitale, ayant essuyé sans trop de danger
les quelques rares coups de feu tirés contre les Blue jackets à la hauteur de
Martissant. Rappelons que des guides haïtiens avait conduit jusqu'à la capitale
les marines du vétéran du Nicaragua. Van Orden passait pour l’officier de
confiance de l’amiral Caperton.
Le principal témoin de ce temps baïonnettes, le général
Paul E. Magloire, homme du Nord, était le fils d’un général à l’air bonhomme, partisan zélé de
Tonton Nord. Paul E. Magloire a l’avantage d’avoir vécu, enfant, ce qui reste
des temps héroïques avant de rentrer sous parapluie américain, dans la modernité
de « l’American way of life ». C’est un militaire né, un peu
nostalgique de ce paternalisme presque bucolique de la société très 1900 du
grand nord en devenir. « Quand on a eu des professeurs comme Louis
Mercier, on ne peut pas ne pas aimer l’histoire », dira longtemps plus
tard un général Magloire qui se souvient avoir été général. 1915 le surprit
frayant déjà avec le gratin du Nord qui englobe des familles assises sur leurs propriétés
en grand domanier. Les Sam, les Leconte, Les Auguste.c’est par ces familles
que le Nord jure. Le féminisme était mort né, parce que sans liaison avec ces féodaux
qui ne comprennent pas grand-chose aux idées de ce jeune et brillant esprit
sorti de la Fossette, aux dires de Temesvar Delorme, le bras droit de Sylvain Sal
nave.
Paul E. Magloire porte le prénom de son père. Presque la même
chose pour Thrasybule Kebreau, le père de Antonio Th. Kebreau, le général de
1957 qui sauva la république d’une résurgence du salnavisme. Le père de Léon
Laleau, le poète, porte lui aussi un prénom grec : Thrasybule Laleau. Le
jeune Léon raconte : j’étais féministe bien que mon père fût ministre de
Nord Alexis. La dissidence était dans les familles. C’est un élément diviseur.
Mais, quand L. Laleau, tenté par la vie publique, fait ses premières armes, un président
à l’intelligence fertile, lui enseigne indirectement comment se moquer des
choses et des êtres en Haïti. A son départ du pouvoir, Louis Borno observe comment les filles Mangonès jouent
déjà les folles de la fable « ces hystériques se croient
historiques » ; elles en voulaient à un Borno désarçonnè par les
Americains on ne saura jamais trop pourquoi.
ADIEU, SOLANGE
udre Dartiguenave parti la queue sous le ventre, sans daigner
vider le champagne des au revoir avec une société qui met son meilleur linge
pour huer le césar vaincu et célébrer
son vainqueur, Borno, lui aussi poète, a
un port de tète très spécial que Antoine Bervin, un diplomate racé, prend
plaisir à noter. Bervin et Rigaud trouveront tous les deux de la culture et de
l’entregent à Paul Magloire. Ils précédent en cela Sténio Vincent qui
recrute déjà ses pions de l’autre côté
de la barricade de couleur. Les enfants de Vincent s’appellent Estimé,
Magloire et Duvalier. Vincent a-t-il
voulu désamorçer cette bombe à
retardement qui s’appelle l’heritage colonial ? Placide David, le père de
Jean David, n’aurait pu choisir un titre plus éloquent.
N’allons pas si vite. Estime a confié que la révolution
qui viendra sera terrible. Il songeait peut être a Price Mars : La révolution
se fera sans nous et contre nous ». Nous, c’étaient les lettrés, les
pourvoyeurs de cadres, les diplomates et les professionnels impatients de
trouver un modèle étranger plutôt que de rester à l’écoute de ce peuple encore
extraordinaire. Nin Berejen, la dernière salnaviste, morte au Bel Air, on lui
paie des funérailles grâce à une quête. C’était peut être en 1919. Un
tirailleur de Geffrard, lui, conserve son vieux fusil comme relique et gloire
de la deuxième moitie du 19 eme siècle haïtien qui ne jure que par les salons
de Napoléon II. Comme l’histoire s’accélère !
Villardhouin Leconte, le terrible ministre de Nord Alexis, ira jusqu'à
bousculer son vieux président à la Jamaïque. L’exil a de ces débordements.
C’est toujours l’autre, le coupable ! La défaite est orpheline. Que de grâces
pour les âmes trop sensibles ! Nord Alexis n’était pas un sentimental à la
différence d’un Magloire qui vers 1930 fait des adieux déchirants a Solange
Latortue, sa belle des Gonaïves.
Alexandre Pétion dit que le progrès c’est le propre de
l’avenir. Magloire a déjà 27 ans vars 1930, au début de la fièvre nationaliste
qui fera de Vincent l’homme de la seconde indépendance. Entre 1930 et ce
tournant qui fait bouillir un sang resté
dessalinien, la vie s’écoule, stable comme ces fleuves et cours d’eau
d’un paysage immuable. A l’époque, le colonel Laraque n’en était plus à faire
ses premières armes. Au Cap ou il trône, raconte le jeune officier destinè au généralat,
Claude Raymond, les hauts grades à la sortie de la messe dominicale rendaient
visite aux familles du Nord.
« Laraque en imposait dans sa tunique or et blanc,
quoique un officier très peu
brillant. » poursuit le général Raymond. Le firminisme appartient a la nostalgie. Le Dr
Reindhal Assad ,enfant,accroché aux jupes de sa mère entendait comme tonner les
canons de 1902, jusqu’à Anse Rouge. « la jeunesse était firministe »
précise encore Léon Laleau, futur chancelier de Stenio Vincent, l’artisan de la désoccupation, en 1934.
L'histoire a aussi ses larmes.
e jour là, le dernier marine, serrant ses bottes, les
larmes vinrent comme de source aux yeux du vainqueur et à ceux du vaincu. Ce 15 aout 1934, en
embarquant a bord de l’Argonaute, comme ils chantaient : Ti zuazo kote ou
prale, les marines comprirent confusément que les armes étaient impuissantes à vaincre
la vie. C’est que , conclurent une fois
de plus les observateurs, les Haïtiens étaient définitivement guettés par un destin grec. César Simon, appelé
à conduire au volant les Duvalier, père et fils, vit partir les
derniers marines, un pincement au cœur.
Magloire avait sorti son épée. Démosthène P. Calixte à qui les Américains
trouvaient les plus belles mains du
monde reçut l’onction du commandement. Vogel, le chef américain, n’avait plus
rien à faire en Haïti.
« Ce fut le délire, » se rappelle
le ministre des affaires étrangères, Léon Laleau, tant les haïtiens versèrent
des larmes ce jour la. Naturellement, le beau monde d’abord et ensuite les gens
du peuple que ceux d l’élite étreignaient dans leurs bras. Oh ’âme haïtienne,
oh âme noire ! Les observateurs n’en croyaient pas leurs yeux ; les
distances avaient disparu happées par le sentiment qu’il n’y avait qu’un être
humain dans la race des hommes.
Ce fut une journée d’apothéose. Les bataillons et régiments
rutilaient dans leurs uniformes. Le major Durcé Armand avait-il fait avancer
ses chevaux ? Armand, Démosthène
Calixte, n’en étaient pas encore à ces rivalités epidermiques, qui 3 ans plus tard
allaient rompre la fragile unité de la Garde d Haïti. Ce jour la donc, alors que les canons
tonnaient du Fort National jusqu’au Cap a fous, dans la Gde Anse, un obscur
observateur de 27 ans, notait que les dames se mouvaient avec élégance, parées
des dernieres modes de Paris. Assis au Champ de Mars, seul et un peu triste, cet
observateur s’appelait : François Duvalier.
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le colonel Roger Villedrouin |
F.Duvalier
était content de voir s’en aller les marines. Il avait enlevé le salut à un
voisin qui lui avait fait part de son désir de s’enrôler dans ce corps contrôlé
alors par les americaisn. Un an s’était écoulé, et le voisin n’avait pas renoncé à son projet. Le jeune médecin passa finalement
outre ; son ami s’enrôla et avait pour nom : Gracia Jacques.
Gracia obéissait
aux ordres et contre-ordre d’un officier haïtien à l’air germanique, très blanc
de peau. Le caporal Jacques dira avoir
connu César Simon, le futur chauffeur de Papa Doc. Selon Simon, G.jacques, s’enrôla, quitta les
rangs et y revint, contrairement au colonel Roger.Villedrouin qui était selon la sœur du président Vincent, Resia,
l’ornement du palais. R Villedrouin était tout comme Laveaux de Jérémie. Les
historiens prétendirent que l’erreur des américains au départ, c’était d’avoir
pavé la voie au racisme et au nationalisme. Villedrouin n’avait point de
complexe, affirment cependant ses contemporains.
A suivre