Je suis de cet avis.
Pourtant c’est loin d’être l’opinion
d’une bonne partie de l’élite pensante, maintenant que le branle est donné dans
les affaires et qu’une politique dont le
moins qu’on puisse dire c’est qu’elle est une politique de réaménagement du
territoire, avec en perspective qu’en changeant le cadre physique il s’ensuivra
ce que l’on pourrait bien appeler cette dilation de l’imagination ou pout tout
dire cette sorte de réveil des consciences, telle que l’ère des conquérants au
16 ème siècle nous en offre l’exemple. Les
plus optimistes ajouteraient qu’Haïti est en train de sortir de son marasme et
de son isolement. Depuis 1994 et le séisme de 2012, le pays semble être parvenu
dans une ère nouvelle. Le futur devient des plus attrayants comme si à cette fièvre haïtienne
s’ajoutait également une fièvre de la découverte.
La question de toujours « Quo
Vadis, ( ou vas-tu) Haïti », qu’une carte postale anonyme se posait une fois semble même n’être plus de mise. Pour le
meilleur et pour le pire, la modernité s’installe chez nous. L’internet et le
culte du téléphone cellulaire donne bien la mesure de cette rentrée d’Haïti dans les grands circuits
internationaux. En 1965, l’atterrissage d’un jet a l’aéroport de Mais Gâté n’avait
pas à ce point réveillé les consciences. Mais, dans la première décennie de l’an 2000, cette Haïti encore en grande partie
rurale se meurt à petit feu. Aucune différence
entre les gamins de Lisbonne ou de Rio et ceux de Pt Salut, en matière de communication. Même si
le PNB continue encore à mesurer les niveaux de vie, dans le domaine de la
communication, l’accélération tend à l’uniformisation de notre planète. Bill Gates
notait dans une communication à Harvard que cette planète se rétrécissait et
devenait même trop étroite.
Haïti se trouve donc engagée
comme sur la route des conquérants curieux de savoir ce qui se cachait derrière
les océans. L’ile à Vaches dans le Sud émerge
comme du fond des mers Caraïbes avec ses trésors et ses secrets. L’ile de la Tortue invite à
retrouver ces bassins ensevelis où Pauline Bonaparte sortait de son bain. Pour la
première fois, dans son histoire, Haïti se trouve inscrite sur la carte des
destinations cosmopolites. A la suite du séisme, on disait comme dans le cas du
Portugal ou de la Californie, qu’Haïti pourrait faire l’objet d’un capitalisme perçu alors comme une sorte de :
destructive création ».
Adieu foulards, adieu madras, est-on
alors tenté de répéter comme au temps des derniers tangos de Paris. Qu’après tant de
souffrances Haïti puisse renaitre la modernité, quoi de plus enviable !
Cependant, le printemps n’est pas si rose qu’on le croit. Sans prétendre jouer
les Cassandre, il y a derrière la magie de notre époque des zones d’ombre qui
pourraient bien annoncer la fatalité si redoutée mais hélas toujours possible.
La portoricanisation reste toujours une échéance probable, laquelle ne
ferait que signer l’échec des élites. La privatisation qui parait inévitable ne
ferait l’affaire que d’une certaine mafia, trop heureuse de chanter cette ère
de libertés qui au fond menacent la liberté.
A quoi sert en fin de compte l’état quand les marchands se mêlent de faire une
histoire qu’ils ignorent ? Non pas
que la libre entreprise ne soit dans une certaine mesure ce panacée qui libère
le génie. Cependant, de quoi demain sera-t-il fait quand, la production réduite
à néant, on est sur le point de ne tenir
que grâce aux miettes de ce festin de sourds, indifférents à toute haitianité ?
A la fin des années 80, un
journaliste américain de passage en Haïti notait déjà que ce pays était en
train d’agoniser rien qu’à lire sur les pancartes publicitaires ce qu’on considérait
déjà comme la macdonalisation d’Haïti. Les choses ont empiré depuis. L’âme haïtienne n’existe que dans la nostalgie. Les vendeurs d’illusions de gauche ou de
droite qui croyaient qu’Haïti avait encore un rôle à jouer semblent se raviser.
Le destin d’Haïti ne nous réserve en fait que le sort d’être phagocyté par la
grande Amérique et la communauté internationale. C’est vers une telle étape que
se dirige la presente génération.
Pourtant, pour ceux qui
connaissent bien cette Haïti qui n’a tenu que par le pouvoir de l’illusion, la déroute
est loin d’être le dernier rendez vous d’un peuple qui sut confondre et dérouter
l’adversaire. Que ce soit en religion ou en politique, Haïti est capable encore de sursauts les uns
aussi inattendus que les autres. Ce n’est
pas la première fois qu’on invente un destin pour Haïti, mais ce n’est pas non
plus la première fois qu’Haïti réinvente
son propre destin.
C’est sans doute là que se prépare
la bataille d’Haïti.
No comments:
Post a Comment