DIEUDONNE FARDIN
Il a voulu sauver l'histoire et la memoire
Billet a Ben,
J
|
’écris
ces pages, spécialement pour toi, Ben, mon directeur et mon ainé de qui j’ai
appris à donner aux choses leur exacte mesure. Le temps a passé, mais les
interrogations restent les mêmes. En changeant de garde, la bataille ne change
pas de ton, parce que tout
simplement, le passé porte encore cette brulante
tunique qui enleva le sommeil à ce
héros de la fable grecque, autrement dit, ce passé peut encore se répéter, parce que, comme tu le sais, « the
future has a past ».
,
Mais, quoi qu’il en soit, au moment où le crépuscule guette nos paysages
et les édifices que nous avions construit à la manière de ces matinées de Proust buvant son the, la
meilleure manière de rappeler que la terre haïtienne continue de faire encore l’histoire sous sa
magie, c’est de s’engager pour ce qu’il y a d’essentiel parmi la race des hommes. L’essentiel, ce sera
toujours la lutte contre la faim, la lutte contre l’ignorance et surtout contre ces
préjugés qui paralysent et anéantissent ce qui reste de générosité dans le cœur
humain. Il faudra toujours, en effet, se
battre pour quelque chose de plus grand que soi, tant qu’il y aura un enfant à
nourrir, un désespoir à soulager et un visage sur lequel créer un sourire. C’est toi qui sus
m’apprendre au Petit Samedi Soir, cette triple vocation. Je t’en saurai
toujours gré, sois en sûr.
Un pan de ciel bleu... |
Tu avais hélas tenté de sauver le passé et le futur comme cette trop belle Europe déjà fatiguée sous les chevauchées d’Attila et à la manière des moines du Moyen Age, tu as voulu rééditer nos vieux livres, que des iconoclastes détruisirent un matin de janvier 1991, le juron à la bouche et la torche à la main. Tu as voulu, en donnant un visage et un nom à l’aventure haïtienne, sauver la vie et ce qui reste de feux sur le Bosphore. Rien qu’a ce titre, tu restes à mes yeux comme ce grain de sable qui condense l’essence même de nos civilisations hélas perissables.Tout monde est périssable, mais tout monde renait aussi de ses cendres. Et c’est ce qui console !
Alors,
pour chaque accès de fièvre au Petit Samedi Soir, au nom de nos disparus et de
ceux qui leur survivent, pour ceux la
qui sont partis un matin de nos salles
de rédaction et dont nous ne gardons qu'un pâle souvenir, accepte que je te dise :
Merci, Ben et surtout merci pour Haïti.
Merci, Ben et surtout merci pour Haïti.
Dr Frantz Bataille,
Rosedale, Queens, NY 25 Mai 2014