Paul E. Magloire se penche sur son passé
Jacquet, Pétion Ville, Janvier 1988
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ous étions seuls dans un salon sobrement meublé. Le jour venait à
peine de tomber.
Que veux-tu
savoir, m'a demande le colonel, un titre sympathique que les Américains avaient
traduit affectueusement par The Black Colonel. Vers 1953, le colonel était
l'enfant gâté de l'administration Eisenhower.
-La chute
d'Estime, ai-je répondu à peu prés.
Le général parla abondamment de ces événements.
A l'entendre, il n'a pas trahi, il n'a pas fait de coup d'état. Il dira
cependant à l'ambassadeur Carlet Auguste : Estiméest un ingrat avant de
l'autoriser à visiter l'ancien président assigné à résidence à l'Avenue
N. Propos pour le moins forts...
De son règne,
il ne dira pas grand-chose. Il n'en était pas non plus question. Mais, l'air
soudainement méditatif, l'ancien président avouera: J'ai commis de grandes
erreurs, je n'aurais pas du penser à la réélection. Il ne dira pas avoir laisse tomber Clément Jumelle, ce grand argentier si aimé de l'intelligentsia haïtienne, venu
de l'aristocratie terrienne du Bas Artibonite.
J'ai encore à
la mémoire ses réflexions sur Jumelle, cette étoile montante qui n'a pas mis
longtemps à être une étoile filante. « J'ai fait Jumelle tout d'une
pièce, une façon d'affirmer qu'il a fait de Jumelle ce qu'il a été. Duvalier,
lui, voyait en Jumelle le fier rejeton de Paulin, cet officier qui défia
Christophe, le roi du Nord.
Tiens! Le
colonel a rencontré François Duvalier, ce médecin nationaliste des années
50. C'est le colonel Lambert qui l'amena au palais, précisa t-il. "
Duvalier ne m'a jamais regardé dans les yeux, se contentant de me répéter de sa
voix nasillarde: Avec moi, vous aurez toutes les garanties, M. Le Président.
Il me confia
qu'il envisageait d'écrire ses mémoires. C'est un homme simple, l'air plutôt
patriarcal. Rien à voir avec ce flambant officier des années 50 qui enlevait le
sommeil aux mulâtresses. De ces dernières, je ne dirai pas qu'elles ont
meuble le lit du général. " On te l'a dit, me demanda le général". Je
ne l'ai jamais su, ai-je répondu; or, ces histoires couraient les rues, en ces années
folles et d'apothéose. Nous
sommes en 1950.
La
conversation se poursuivit: La petite junte n'a pas voulu de Jumelle. Il avait
rencontre cette junte privée dans un restaurant de Pétion Ville. Quelque temps apres,
les officiers allèrent voir l’homme encore fort du palais pour lui qu'ils ne
voulaient pas d'un tel choix. C'est alors que le vin du pouvoir monta une fois de plus à la tète de Magloire.
" Jumelle, déclara t-il à son retour d'un périple a l'étranger, est un
mangeur de mulâtres, ce que je ne crois pas”. Clément jumelle était perdu.
Mais,
Magloire s'était mis, lui aussi, la corde au cou. "Roy Tasco
Davis, l'ambassadeur américain, acheminait des rapports très peu sympathiques
sur mon gouvernement, mais nous avons diné dans le Maryland, et le
diplomate s'est rendu compte qu'il se trompait". Un monde de dupes,
finalement! Le pays exportait du riż, a toujours soutenu Magloire
Le général dit avoir des réserves,
" Les gens ont envahi mes propriétés dans le Nord. Mais, je ne peux pas
faire un procès à l'état haïtien. J'étais président de ce pays”. Noblesse
oblige, Paul E. Magloire est le fils d'un général du même nom, żélé
partisan de Tonton Nord., et bien sûr anti firministe
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