Philippe Dominique,
professeur d'equitation a l'Academie militaire de l'Armee d'Haiti
Le president F. Duvalier et le general Maurice Flambert
es
cannons s’étaient tus.
C’était
peu de temps après l’aube.
Duvalier
n’allait pas perdre de temps. Il rassembla ses généraux, ceux qui, a ses
cotes, avaient essuyé avec de legeres blessures les coups de feu au petit
matin, notamment le général Maurice
Flambert au visage marmoréen, du moins dans les photos de 1958. Le chef de la
garde présidentielle, le capitaine Claude Raymond, le visage encore auréolé
d’une sorte de tardive adolescence, posa aussi avec son président aux cotes du
futur commandant historique de la garde présidentielle, le Lt Jacques Gracia.
Présent aussi, le ministre de l’intérieur Fréderic Duvignaud, un homme des
années 30 ayant servi Sténo Vincent, ce
nationaliste, qui lui a survécu au putsch manque de 1937. Autrement dit,
en 20 ans, l’armée d’Haïti encore jeune a compter de 1934, offrait l’image d’un
édifice déjà vermoulu. A croire qu’un destin de château de cartes
l’attendait. Mais, en cette matinée de 1958, un vainqueur restait un vainqueur. César Simon, un chauffeur qui a
conduit tous les présidents, depuis Sténo Vincent, se remémore que le président
au ton nasillard a demande ses drapeaux comme il s’apprêtait à faire une
tournée historique.
Ses
adversaires ou ennemis dont ses propres compatriotes ont été terrasses, les uns
après les autres, aussi bien que les
mercenaires américains qu’ils avaient engages à raison de $ 2000 chacun. . La matinée devait s’écouler paisiblement, prétexte à toutes les
spéculations dans un Pt au P non encore bidonvillisé et habite par des familles
qui se connaissaient, que ce soit au Bas peu de chose ou au Bois Verna, de part
et d’autre, chasse gardée des familles noires et mulâtres.
Bien
loin, de l’autre cote du Canal du vent, les canons de Batista résonnaient
encore dans les montagnes de la Sierra
Maestria ou se battait, aide d’aventuriers haïtiens, le « barbudo »
Fidel Castro. Un sentimental connu, le colonel Paul E. Magloire n’a pas voulu utiliser
les services du jeune guérillero de 32 ans, comme le lui avait suggéré le capitaine Pasquet.
« Batista est un ami, Alix » avait répondu le Black colonel si choyé
par le président Dwight Eisenhower. Le General Magloire n’a boucle que 51 ans,
le 3 juillet 1958, peu de jours avant l’équipée Pasquet que les Américains appellent
« The Pasquet Affair ». Pour son anniversaire, le colonel, un homme
de famille, a pose avec ses garçons et
ses filles, l’air heureux comme dans ces « happy gatherings»
auxquels il commençait bon gré mal gré a
s’habituer.. Rien à voir en vérité avec les préparatifs pour l’expédition du
commando modelé selon le style du turbulent 19 eme siècle haïtien.
En
cette matinée du 29 juillet 1958, comme Pt-au-Prince se réveillait sous le
bruit des canons qui ne tarderont pas à se taire, les nouvelles commençaient à
se répandre. Le palais, attaque, a réduit cette fois ci au silence les
assaillants, contrairement a l’été 1915, ce 28 juillet 1915 qui amena les
marines à débarquer à Bizoton. Dans sa résidence de Manhattan, non loin de l’Hudson et de ses eaux
couleur gris océan, un Magloire jovial recut
les appels de téléphone qui se multipliaient : tout le monde veut savoir.
Le colonel s’accrochait un peu au mystère et au secret :
ah !ah ! Je ne sais pas plus que vous. On se l’imagine, l’air
bedonnant et riant a gorge déployée. « Mais, il faut attendre, dit-il à
ses interlocuteur. On se parle plus tard, renvoie t-il les curieux, comme le
téléphone grésillait à nouveau. A cette époque. Le bavardage était le pain
quotidien de ces exiles un peu fortunes.
LES DESENCHANTES
Lionel
Paquin, un témoin pince sans rire et connu pour son sarcasme et son ironie bon
enfant décrit l’atmosphère effervescente qui règne chez Emile St Lot,
rue….L’une des versions appelées à conforter l’assistance veut que le palais
soit pris et Duvalier fait prisonnier.
St Lot, le grand tribun jubile et propose que le principal boulevard de
Pt-au-Prince soit dénommé : Blvd des officiers mulâtres. St lot sort un
discours d’une facture superbe et d’une éloquence à faire pleurer « même
les pierres ». Déjà, on en vient à former des gouvernements, quitte a les remanier et à les composer a nouveau. Pourquoi pas une soupe a l’assistance comme aux beaux jours du premier janvier ? Mais,
c’est génial, laisse –t-on- entendre.
Mais, on se tourne immanquablement vers
Magloire avec curiosité et jubilation. Magloire a cependant mieux a
faire qu’a répondre a ces intrus qui le dérangent et gaspillent son temps. Il
faut passer aux choses sérieuses. Et l’on revient à l’atmosphère surexcitée de
chez St Lot.
Mais,
observe Lionel Paquin qui a l’avantage
de pouvoir nager dans toutes les eaux,
l’ancien officier Roger Rigaud n’a pas l’air de partager pas l’euphorie générale. Il se fait des soucis tout en
sourcillant. Comme le jour traine et que
comme chez Hamilcar, le général carthaginois, la fête continue, Lionel Paquin
approche Roger Rigaud, l’un des
conspirateurs de 1937, qui, sous Stenio
Vincent, avait été renvoyé de l’armée.
«
L’affaire est tassée. La partie est perdue », lui dit à peu prés Roger
Rigaud. Il poursuit : oui, les
officiers ont pris les casernes, mais ils ont été abattus. Duvalier sort vainqueur ;.maintenant, c’est un fauve
qui se reveille, c’est un chef méfiant qui émerge et qui ne va plus faire de
cadeaux. J’ai vu la même métamorphose
chez Vincent. C’est un homme dur et ombrageux qui va naitre après ce coup manqué des officiers mulâtres. Paquin
en fut renversé.
Alix Pasquet et Philippe Dominique vivaient
ensemble a Hialeah au numéro 894 W.71 St. Pl. Dans un petit appartement qu’ils partageaient
avec leurs épouses respectives, les
sœurs Etheart. Ce fut au cours d’une de ces week end que Mme Dato Théard, née
Martelly apprit soudainement la disparition de ces deux figures de proue du
commando.
Pasquet était loin d’être un
personnage léger. Ce stratège qui semblait ne pas avoir froid à l’ œil savait
regarder la mort en face, ce qu’il va prouver en mourant assis au siège du
commandant aux Casernes Dessalines. Il avait pris soin de dépêcher en Haïti
Arthur Payne qui se fit passer pour photographe tout en faisant des contacts
pour le jour J. Ancien employé de la Minoterie, ce sheriff de Dade county
partageait avec Pasquet le gout du risque et la passion de l’aventure. C’était
d’ailleurs dans l’esprit du temps ; les barbudos de la Sierra Maestria, Fidel Castro avaient déjà
entame leur longue marche sur la Havane.
Pasquet
et Payne, le chef des mercenaires américains, ne pouvaient rêver mieux.
Il
n’y a rien de plus triste que les fins de règne. Magloire devait l’apprendre à
ses dépens, suivi à Bowen Field par un Henri Perpignan en pleurs et coiffe d’un
incroyable béret. Le président, quant a lui, garda son calme et marcha, altier
et hautain, vers son destin qui débuta au moment ou il posa le pied sur l’échelle de coupée. Un des pionniers de l’aviation militaire, Edouard Roy, conduisit le couple présidentiel sous le ciel jamaïcain guette déjà
par le crépuscule. Magloire laissait derrière lui une petite junte désemparée
qui scella bien avant la lettre le sort de Clément Jumelle de
« l’aristocratie noire » dira Louis Déjoie et bien sur Alix Pasquet séduit
par le rire du colonel Nasser nationalisant en 1956 le Canal de Suez. C’ était assez pour hanter et tourmenter les nuits du capitaine, l’un des artisans
du 25 mai sanglant.
LA GARDE DE SONTHONAX
Mais,
l’été 1958 sera son dernier été. François
Duvalier, sorti vainqueur, sait neanmoins
que l’été ne sera plus le même. On ne se défait pas de tels adversaires pour se reposer sur ses lauriers. Les familles se turent a la
mort de leurs héros, mais poursuivirent leur culte et leurs rêves a leur façon.
Revenu à ses anciennes amours, Magloire qui avait du cœur, déclara au Petit Samedi Soir que
« ces officiers se sont rachetés » au prix d’un sacrifice quand même
trop grand. Jean Dominique le comprit ainsi, quand rongeant son frein, il
reprochait à Magloire d’avoir laisse « les veuves Pasquet et Dominique
sans une gourde ». Puis, a la
limite du délire, l’impétueux directeur de Radio Haïti poursuivit en avançant
que même Duvalier sut reconnaitre le courage de ses opposants ; il leur
aurait élevé une statue comme on en a fait a Von Stauffenberg, ce colonel qui
attenta a la vie d’Hitler, ne fut-ce ses partisans, conclut-t-il.
« Rien n’est plus faux » trancha l’ex président Jean Claude Duvalier.
Alors,
en cette matinée de juillet, le 29, une date a retenir, le malin petit président
n’est pas prés de se frotter les mains, mais, il a le sentiment de respirer un
peu, parce que la grande Amérique doit battre sa coulpe, au moment ou démoralisé,
ce qui reste de l’armée doit réfléchir
deux fois avant de franchir le pas. L’armée n’a plus bonne conscience ;
les canons du 25 mai ont fait pâlir son
honneur et le sang encore chaud de Pasquet
éclabousse encore davantage la hiérarchie. Les militaires ne sont plus
ce bloc monolithique apparent de Paul
Magloire, malgré les purges sécrètes de Lescot a Lamantin, en 1941, conduites
par le célèbre major Duré Armand. Daniel
Beauvoir, Pierre Haspil ont des états d’âme. Les ruraux que dénonçait le bâtonnier
Antoine Rigal, mots qui avaient inspire
a Duvalier, son chef d’œuvre d’éloquence: ils sont
devenus fous, commencent à envahir l’enceinte des casernes. Duvalier songe déjà
à créer son binôme armée peuple, peuple armée, ce qui fait comprendre aux
hommes en kaki qu’ils n’ont plus le monopole de la force. Ralph Pezullo devait en déduire
que l’affaire Pasquet scella une fois tout le destin de la garde.
Au
départ de l’occupant et même sous Paul Magloire, les structures post 1915 n’avaient pas
craque ; l’élite du corps, autrement
dit la hierarchie était en grande partie mulâtre, se rappelle Claude Raymond. Plus loin, l’affaire coloriste, connue sous le nom de
l’affaire Ti Kant qui renvoie a la montée
du général Cantate confirme ces conflits soulignes d’ailleurs par Heinl. L’arrivée
de Duvalier exacerbe ces questions et les complique, mais en mettant l’accent
sur la question sociale, Duvalier reprend a son compte ces fêlures de l’armée antérieures
au 25 mai 1957 que l’élévation de Daniel Fignole a la présidence n’a pu résoudre. Duvalier ira, quant a
lui, plus loin en puisant sa garde prétorienne
dans l’orphelinat anonyme de Sonthonax, ce commissaire français que les noirs
pleuraient à son départ. C’était en 1797.
Cette fois-ci, “ this change of the guard implies
a change of heart” aurait écrit Shakespeare.
Queens, NY
Mai 2014
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