LA QUESTION HAITIENNE.-
LE JOUR OU LA FRANCE CESSA D'ETRE FRANCAISE EN HAITI
n se comportant comme il l’a fait au jubile des St Louisiens, le 23 juin
dernier, l’ambassadeur de France, M. Didier Lebret sonna le glas de l’influence francaise en
Haiti. Ce que l’on tient pour un faux pas diplomatique tombe bien mal a propos.
Dans cette Haiti en pleine
americanisation, ou la langue francaise
risque bientôt d’etre releguee aux
oubliettes, d’ici 50 ans, si l’on ne fait pas attention, M.Lebret a paru ignorer par son attitude irreverencieuse a
l’endroit d’un ancien chef d’etat haitien
qu’il y a toujours une manière
d’etre francaise,laquelle n’a rien a voir avec la bassesse morale du monde
latin. C’est de la que viendra a mon sens l’echec de sa mission dans cette
premiere republique noire de notre planete.
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Charles de Gaule |
Aux yeux du peuple haitien en effet,
peuple fier et pour cause, la France a
toujours represente la finesse des manieres, l’elegance du parler, et
une certaine grace de l’esprit. C’est a peu pres a cette France que se referait
l’ ancien president Georges Pompidou quand il disait a ses
compatriotes : « Français, Francaises, nous ne sommes pas riches, mais, nous
comptons ». La France et ce qu’elle represente continue encore de
fasciner. Le General de Gaulle le savait
bien qui disait a son ministre Alain
Peyrefitte, « La France reste la
lumiere du monde ; quand tout va mal, c’est vers la France que l’on se
tourne ». Autant de symboles que le geste inattendu de son representant en Haiti vient tout
bonnement remettre en cause.
Consideree comme la patrie
intellectuelle et morale du monde, cette France de toujours dont les images
petillent encore dans les magazines de
voyage, aura donc servi de refuge sentimental aux Atheniens du temps des Orientales de Victor Hugo, de terre d’asile aux russes
fuyant la revolution de 1917, aux haitiens traumatises par le choc de 1915.
L’on comprend sans doute pourquoi a l’offensive de la Marne on retrouve
Haitiens et Senegalais, defendant les terres de France et cette patrie
interieure ou les valeurs de solidarite et d’humanisme trouvent encore un sens.
M. Debret devra donc retourner dans ses livres pour apprendre a etre francais,
qui se resume dans cette manière d’etre, de croire et de penser,
ensemble qui continue de faire la difference et qui donnera a ce peuple une
place toujours enviable dans le concert des natioins.
Une France Et Une Haiti Gaullienne
Cette France a-t-elle en fait vecu ? Seul M. Debret pourrait nous le
dire. En tout cas, quand on regarde de plus pres, il faut bien se rendre a
l’evidence que ruant dans les brancards, comme il le fait meme au conseil de
cabinet du Premier ministre, M. Laurent S. Lamothe,l’ambassadeur depasse la mesure en renouant avec des
reflexes de colon que l’on retrouve encore chez les Bekes de la Martinique et
de la Guadeloupe et peut etre chez ce Premier ministre francais qui revait de
lancer chez nous l’operation Rochambeau vers 2004, l’annee meme du bicentenaire
de la victoire de Vertieres. Ce n’est pas la premiere fois que de tels petits
francais oublient les lecons de
l’histoire surtout quand elle est haitienne. L’ancien PM JJHonorat a
quand meme chasse un Bernard Dufour qui
revait de jouer aux proconsuls sur l’ancienne terre de St Domingue.
Mais, c’est bien la premiere fois qu’un diplomate francais flagelle l’orgueil
national en choisissant de ceder le pas a la bete plutôt qu’a l’ange qui
cohabite chez notre espece. Or, l’homme, disait Henry Bergson, est quelque
chose qui doit etre depasse.
Il sera, helas, toujours penible
d’abonder dans le sens de M. Peyrefitte denoncant ce mal francais qui
continue de faire les malheurs de la France dans ses anciennes colonies
d’Afrique par exemple. Les ressortissants
anglo-saxons entre autres deplorent la faillite francaise partout ou la
conquete a conduit les cadres
administratifs de la metropole. La France laisse derriere elle des societes mal
integrees, des generations aux prises avec des etats d’ames et des complexes
qui n’ont pas fini de ruiner les ames, comme ce fut le cas en Haiti, des
rivalites de personnes, de couleurs et de classes capables de conduire a la
violence. La raison en est simple : la France du bon vin reste en France.
C’est sans doute a cette France que songeait De Gaulle quand il
s’ecriait des 1962 aux Algeriens son
mot historique :Je vous ai compris, a l’epoque des « fremissements
des decolonisations africaines » . C’était a notre humble avis une facon
de fermer le chapitre des injustices et des crimes lies a la conquete et a la
presence francaise dans cette Afrique du Nord, confondue dans ce qu’on appelle
depuis Benoist Meschin, le printemps arabe. Haiti, et surtout, l’Haiti de
Francois Duvalier est devenue et non sans raison gaullienne parce que De Gaulle
qui se plaisait a blamer les vacheries de
son peuple, savait egalement que l’histoire n’était pas une ligne
droite, que les societes et les dirigeants qu’elles se donnent pouvaient tout
egalement se sentir bien dans leur peau,
sous ce que les donneurs de decons epris d’eurocentrisme appelllent dictature
et pouvoir fort, meme si l’impunite blamable chez les uns pouvait bien
porter le nom de pouvoir imperial chez les autres sans ce que ces ambassadeurs
trouvent quoi que ce soit a redire.
ADIEU MAMAN, ADIEU PAPA, VIVE HAITI, VIVE LA FRANCE,!
N’empeche que La France ait connu de tres belles heures en Haiti, cette
« fille ainee de la latinite » .Parce que si etre Français, c’est
vivre et mourir pour quelque chose de plus grand que soi, les Français tombes
du cote haitien a Vertieres en novembre
1803 n’auront pas verse en vain leur
sang sur nos terres epiques sinon la
justice, le sens de l’autre et la decouverte de soi a travers l’autre n’eussent
pu transcender les petitesses et les
mesquineries individuelles qui
appartiendront toujours comme ces
ambassades a la poubelle de l’histoire.
Il n’y a point d’autre explication a l’embrigadement de francais dans l’armee
de Toussaint Louverture, pas plus qu’il n’y en a chez ces anciens conventionels venus
deliberement terminer leurs jours en Haiti, apres l’independance. Certes, il
existera toujours une histoire d’amour et de repulsion entre Haiti et la
France. Mais, cette assertion qui veut que chaque habitant de notre planete ait
deux patries : la sienne et puis la France tient encore, notamment quand
la France se trouve happee par le malheur que ce soit en 1914 ou en juin 1940.
Par sa revolution, par sa pensee, la France a toujours eu une vocation
planetaire et humaniste. Ils viennent bien sur trop tard, ces aventuriers
deguises en diplomates qui croient pouvoir reecrire une histoire a laquelle ils
sont quasi etrangers. Les Français tels que l’ancien correspondant de l’AFP
Dominique Levanti se font encore inhumer en Haiti, et des Haitiens tout aussi
connus choisissent pour sepulture l’ancienne terre de la Bauce ou la pente
inclinee d’une petite colline decrite par Flaubert ou Chateaubriand. Il n’existe pas de temoignage
plus eloquent au depassement et a la profonde verite des etres.
En 1944, a la liberation de Paris par les troupes avancees du general
Leclerc, les cloches d’une capitale qui dut servir de reference a la
mediterrannee de Charles Maurras carillonnerent comme pour exprimer la
solidarite de cette France noire a la lutte du peuple francais. C’était sous
Elie Lescot et la capitale s’appelait
P-au-P. Inoubliable ce sacrifice d’un jeune Haitien pris par les Nazis
qui s’ecria au moment d’etre fusille : Adieu maman, adieu papa, vive
Haiti, vive la France... Quand au cours d’une histoire tricentennaire et
meme plus, de tels liens ont été tisses entre une metrople et sa colonie, c’est
dire qu’il y a au dela du sang verse et du langage des armes , il y a, M.
Debret, un monde shakespearien qui veut se soustraire a la fatalite pour ceder la place a un reve
prometheen, ou les hommes decideront de leur propre avenir, selon des
choix qui relevent de ce depassement
auquel la magie de notre histoire t’invite, mon pauvre homme. Parce que « ceux qu brisent sont bien
des fois ceux qui creent, selon le president Francois Mitterand, il y aura
toujours de ces francais, heros obscurs de nos terres profondes, qui sauront en
se joignant a l’hymne universel de la creation quotidienne, sauver notre
jeunesse du doute et du desespoir. Je pense ici a un vieux professeur breton de Leogane qui avait peine a contenir
sa colere en evoquant l’acte infame d’un
capitaine allemand vis-à-vis de notre bicolore au 19 eme siecle.
DE LA M… DANS UN BAS DE SOIE
L’histoire se repete, l’histoire begaie, s’ecriait Roger
Gaillard,l’historien de l’occupation americaine
de 1915. Dommage qu’en se
repetant dans cette enceinte saintlouisienne qui n’a pas que des ombres au
tableau une presence diplomatique ait reveille ce que l’histoire depuis Paul
Valery recele d’amertume et de rancunes mal digerees. Mais, fort heureusement,
l’histoire n’a pas que le facies de Janus uniquement tourne vers le passe. En 1945, ce fut bien la petite Haiti a la
conference de San Francisco qui sans ruminer
les atrocites attachees a Leclerc et a Rochambeau sut imposer le
francais comme langue internationale pour les batailles du futur. Il y aura toujours meme chez ceux
qui restent tres peu avares du sang humain, quelque chose a tirer parce que la conquete
depasse souvent le conquerant. Le Code napoleionien reste une reference dans
l’histoire du droit haitien, sans nuire a la mémoire de l’empereur qui laissa
autant de veuves que d’orphelins . N’y a -t-il seulement que du sang chez les dictatures ? Voila
une hypothese d’ecole sur laquelle se pencher, M. Debret. La democratie a tout
l’air de ces vierges qui ne savent pas encore
si la fecondation passe d’une manière ou d’une autre par le sacrifice.
J’aurais aime emprunter a Francois Mitterand son tres beau titre :
« La paille et le grain »pour retrouver ce sens de la vie aussi bien
dans la France profonde que sur nos
terres secretes ou les labours et les saisons racontent l’interminable dialogue
de la terre et du ciel. Nos paysans qui, dans le haut Artibonite et sur les
pentes du Macaya, continuent encore de boire a la sante du roi de France
veulent tout simplement dire que la vie est permanente surtout lorsqu ‘elle
prend le masque de la mort. Au fond rien
ne meurt, pas plus que la paille du president francais ni non plus ce que la
France garde d’ivraie dans la recolte . mais, la diplomatie qui est l’art de la
politesse devra chaque jour se
reinventer et laisser croitre le bon grain de la France de Mitterand. La France
est bien sure trop grande pour chausser les bottes du petit Poucet ;
sinon, comme un Napoleon en colere parlant
aux Tuileries en janvier 1809 a
son ambigu ministre Talleyrand,ce beau monde qui se targue de parler au nom de
la France ne sera que finalement
« de la m… dans un bas de soie »
Miami, Florida
Aout 2012
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